Ces deux dernières semaines, la Méditerranée centrale a été le théâtre d’événements préoccupants. L’escalade de violence en mer qui y est observée, vise à la fois les personnes qui tentent la traversée vers l’Europe mais aussi les équipes humanitaires qui tentent de porter assistance malgré l’attitude erratique et dangereuse d’acteurs non identifiés.

L’Ocean Viking, navire-ambulance de SOS MEDITERRANEE, a récemment procédé à un sauvetage rendu périlleux par la présence d’acteurs dangereux et non identifiés. Juste avant l’aube du 13 août, dans l’obscurité totale, un bateau gris en fibre de verre s’est approché à toute vitesse de notre navire humanitaire alors qu’il se trouvait dans les eaux internationales.

Depuis le pont supérieur, les membres de l’équipage qui surveillaient la mer aux jumelles ont vu les pilotes de l’embarcation , le visage dissimulé, diriger une lampe vers un groupe de personnes qui était à leur bord, comme pour signaler leur présence, avant de les forcer à sauter à l’eau.

Sept personnes se sont ainsi retrouvées à l’eau. Elles ont immédiatement été secourues par nos équipes et mises en sécurité à bord de l’Ocean Viking, dont elles ont débarqué quatre jours plus tard à Ortona, à plus de 1 500 km du lieu de cet incident traumatisant.

SOS MEDITERRANEE n’est pas la seule organisation humanitaire présente en Méditerranée à avoir été confrontée à ce type de situations : ces pratiques ont déjà été signalées par d’autres acteurs du sauvetage en mer. (...)

. Le 21 août, l’ONG Mediterranea Saving Humans a vécu un scénario similaire : 10 personnes, dont des mineurs, ont été jetées à la mer en pleine nuit par des individus non identifiés. Malgré l’obscurité, toutes ont pu être secourues.

En plus de mettre en danger la vie des personnes qui tentent la traversée, en les contraignant à sauter dans la mer, ces groupes menacent aussi les équipages des ONG de recherche et de sauvetage par leurs manœuvres agressives et dangereuses. Souvent armés, les individus se montrent aussi verbalement hostiles voire agressifs envers les membres des ONG. (...)

Si ces embarcations restent la plupart du temps non identifiées, certaines ont toutefois pu être reconnues, par les équipages des ONG, comme appartenant aux garde-côtes libyens – financés en partie par l’Union européenne.

On assiste à une augmentation de la dangerosité des l opérations de sauvetage surtout ces dernières semaines, même si ce phénomène n’est malheureusement pas nouveau. (...)

L’ampleur, la fréquence et la gravité croissantes de ces incidents marquent une étape supplémentaire dans la transformation de la Méditerranée centrale en une zone de danger , délibéremment abandonnée par les États européens. Ceux-ci ont en effet fait le choix de fermer les yeux, plutôt que de remplir leur devoir juridique et moral d’assistance en mer, laissant ainsi le champ libre à des acteurs imprévisibles et violents dans ce qui devrait être reconnu comme un espace humanitaire.

SOS MEDITERRANEE est extrêmement préoccupée par cette situation. Nous exhortons les États membres de l’Union européenne à :

• respecter l’obligation de responsabilité et de transparence envers les citoyens européens lorsqu’ils financent des pays tiers comme la Libye ;

• enquêter sur ces incidents où le droit n’a pas été respecté ;

• protéger les navires civils de recherche et sauvetage et leurs équipages, qui opèrent légalement dans les eaux internationales.