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Alternatives Economiques/Michaël Zemmour enseignant-chercheur à l’Université Paris 1 (Centre d’Economie de la Sorbonne) et chercheur associé à Sciences Po (LIEPP).
Michaël Zemmour : « Avoir moins peur de l’extrême droite que de la redistribution pose un grave problème moral »
#electionslegislatives #extremedroite #frontpopulaire
Article mis en ligne le 5 juillet 2024
dernière modification le 3 juillet 2024

A la veille d’un vote crucial pour l’avenir de la démocratie française, l’économiste Michaël Zemmour commence par dresser le bilan de la politique de l’offre suivie dans l’Hexagone depuis une dizaine d’années.

Le résultat est aujourd’hui connu : une productivité en berne, un déficit commercial abyssal, des finances publiques qui dérapent. Cela n’empêche pas les économistes qui ont soutenu cette politique de venir donner de virulentes leçons de « crédibilité économique » au programme de la gauche !

Cet échec, doublé d’une remise en cause de l’Etat social, nourrit le sentiment de déclassement et le vote en faveur de l’extrême droite. La politique de l’offre, c’est la politique de l’offrande de la France au Rassemblement national (RN).

Un parti dont on ne peut séparer les mesures économiques de son projet xénophobe : les deux sont intimement liés, explique Michaël Zemmour, avant de défendre le changement de cap proposé par le Nouveau Front populaire (NFP). (...)

Il explique pourquoi, malgré les contraintes, les mesures sociales, de la hausse du Smic à la retraite à 62 ans, sont tenables.

Il existe donc bien une alternative économique, sociale et écologique au macronisme et au RN. Aux électeurs et électrices de la faire vivre. (...)

Le RN poursuit la politique actuelle de réduction des ressources publiques : baisse des cotisations, des droits de succession, etc., ce qui conduit à favoriser les personnes les plus aisées, comme l’a montré l’analyse d’Elvire Guillaud et Raul Sampognaro publiée dans vos colonnes.
De ce fait, il va manquer de l’argent pour la protection sociale et les services publics, ce qui explique les tergiversations du RN sur la réforme des retraites : on ne peut pas à la fois abroger la réforme des retraites, ce qui réclame de l’argent, et baisser les recettes publiques. Entre les deux, ils ont choisi la baisse des impôts.

(...)

Je suis en désaccord avec l’économiste Olivier Blanchard quand il écrit sur X (anciennement Twitter) qu’il ne se préoccupe que du programme économique du RN et pas du racisme.
Les mesures xénophobes, telles que la suppression des allocations familiales et des aides au logement aux personnes en situation régulière qui résident en France depuis moins de cinq ans, font partie intégrante de leur programme économique. Il y a d’autres mesures en embuscade, comme la remise en cause de droits attachés à la sécurité sociale ou la possibilité d’accéder à certains emplois si l’on n’est pas Français.
Tout cela creuse les inégalités, crée du désordre social. Et la priorité nationale est censée apporter les ressources pour toutes leurs autres politiques, même quand les chiffres ne collent pas, par exemple quand ils disent financer les retraites pour carrières longues par la suppression de l’aide médicale d’Etat

(dont le coût est d’environ un milliard d’euros par an, NDLR). (...)

Je suis choqué par ces prises de position. Cela pose un grave problème moral de déclarer avoir moins peur d’un gouvernement d’extrême droite que de la redistribution. Ce n’est probablement pas la position de tous les chefs d’entreprise, ni de tous les économistes proches d’Emmanuel Macron. Mais il y a un moment où il faut se reprendre. Malheureusement, le fait que le gouvernement actuel ait été puiser directement dans les idées du RN a fait sauter des barrières.

(...)

Du côté du NFP, on affiche un soutien à la demande interne par l’investissement public et le soutien à la consommation : cela ne risque-t-il pas de creuser le déficit commercial ?

M. Z. : Premier point, le changement de cap me paraît le bon. La politique actuelle est en échec, elle est visiblement rejetée par la population et le gouvernement nous promet une cure d’austérité comme solution. Comment alors réorienter l’économie française et à quel rythme ? Il n’y a pas qu’en France que la question de la revalorisation de la demande intérieure se pose et la France doit être une force d’entraînement en Europe.

(...)

Quelle est l’ambition générale du programme du NFP ?

M. Z. : Changer de cap pour s’adresser aux défis qu’il y a devant nous : rebâtir des services publics, faire la transition écologique, maîtriser la situation budgétaire. Le programme peut accroître la productivité à court ou moyen terme, mais elle ne pourra pas nécessairement monter jusqu’au ciel. Il faut inventer un autre modèle économique, et le programme y contribue en partant des besoins économiques et sociaux.

(...)

La période contribue à se réinventer, cela ouvre des débats. Le registre des possibles paraît alors large. Les 300 économistes qui ont signé l’appel à soutenir le programme de la gauche sont différents, mais toutes et tous échangent pour déterminer comment on peut arriver à résoudre nos problèmes, et c’est enthousiasmant.