Le cessez-le-feu conclu le 10 octobre entre le Hamas et Israël a mis fin à la guerre ouverte, mais pas à la violence à Gaza. Au moins sept factions armées et clans se battent désormais contre le Hamas. Des images témoignent déjà d’affrontements impliquant ces groupes, dont plusieurs sont soupçonnés d’avoir des liens avec Tel-Aviv.
Huit hommes à genoux, les vêtements déchirés et les yeux bandés : une vidéo partagée sur les réseaux sociaux le 13 octobre montre comment le sort que réserve le Hamas à ses ennemis : des membres du groupe islamiste, armés de fusils AK-47, ouvrent soudainement le feu, les abattant les huit hommes à genoux, au milieu des cris de célébration ou d’insultes (“traîtres”) lancés par la foule environnante. (...)
C’est une des dernières scènes témoignant des tensions entre le Hamas et ses rivaux, exacerbées depuis l’instauration du cessez-le-feu avec Israël. L’exécution publique a eu lieu dans la rue Omar al-Mukhtar, dans le quartier de Sabra dans la ville de Gaza, une démonstration de force délibérée dans une zone où l’emprise du Hamas reste contestée par d’autres clans armés, en particulier la famille Doghmush. L’identité de toutes les victimes n’est pas connue selon des sources locales, certaines appartenaient au clan Doghmush et au moins l’une d’entre elles était un membre haut placé du groupe affilié à Israël et connu sous le nom de “Forces populaires”.
L’exécution a eu lieu après trois jours d’intenses échanges de tirs entre les combattants du Hamas et le clan Doghmush à Sabra, bastion du clan, qui, selon diverses sources, ont fait entre 19 et 52 morts parmi les Doghmush et entre 8 et 12 morts parmi les membres du Hamas. Parmi les personnes tuées figurait l’influenceur Salah al-Jafarawi, pris pour cible pendant les combats. (...)
Ce n’est pas la première exécution publique menée par le Hamas ces dernières semaines. Le 22 septembre, avant le cessez-le-feu, le groupe avait exécuté trois hommes devant l’hôpital al-Shifa. Ces hommes étaient accusés de collaboration avec Israël, une accusation que le Hamas porte régulièrement contre ses rivaux et ses opposants.
Malgré les démentis officiels et les assurances répétées après le cessez-le-feu selon lesquelles “le Hamas ne permettrait pas un vide sécuritaire à Gaza”, le groupe a en fait perdu le contrôle de certaines parties du territoire au cours des deux dernières années, comme l’a concédé un haut responsable du groupe islamiste à la BBC en juillet 2025. (...)
Au moins sept factions et clans contestent désormais l’autorité du Hamas, chacun contrôlant une petite partie de la bande de Gaza et essayant de faire avancer ou de repousser le mouvement. Alors que le Hamas qualifie tous ces groupes de “traîtres” collaborant avec Israël, plusieurs n’ont pas de lien avéré avec l’État hébreu selon les analystes sollicités par la rédaction des Observateurs de France 24. Khalil Sayegh, analyste politique né à Gaza, explique :
Nous avons des groupes qui coopèrent avec Israël et des groupes qui n’ont aucun lien avec Israël. Par exemple, les clans Hellis ou Doghmush n’ont aucun lien avec les Israéliens, ni même nécessairement avec des activités criminelles. Ces clans sont simplement des familles gazaouies influentes.
Le clan Doghmush : l’ennemi historique
L’un des clans les plus importants et les plus puissants de la bande de Gaza, c’est la famille Doghmush, depuis longtemps bien armée et influente. Son chef de facto : Nizar Doghmush. Le groupe est en conflit avec le Hamas depuis la création du mouvement dans les années 1980. Le Hamas a tenté à plusieurs reprises de le désarmer, conduisant à plusieurs affrontements armés entre les deux parties au fil des ans (...)
Début octobre, Nizar Doghmush, actuel chef du clan, déclarait au Los Angeles Times que des responsables israéliens lui avaient fait une proposition : « Les Israéliens voulaient que nous prenions en charge une zone humanitaire dans la ville de Gaza, que nous recrutions autant de membres de notre famille que possible, et ils nous fourniraient un soutien logistique, comme des armes, de la nourriture et des abris », une demande qu’il dit avoir refusée.
Les porte-parole du Hamas ont qualifié le clan Doghmush de “bande de hors-la-loi” et l’ont également accusé de “haute trahison” en marge des récents affrontements. (...)
Des groupes proches d’Israël, sinon à sa main
À l’inverse des Doghmush, au moins cinq des groupes sont clairement liés, voire ont été directement créés par Israël.
Tous les chefs de ces groupes miliciens ont un passé criminel. Yasser Abou Shabab [chef du groupe milicien Forces populaires], par exemple, est un ancien trafiquant de drogue analphabète ; Achraf al-Mansi [chef du groupe milicien Forces populaires du nord] en est un autre.
De nombreux membres de ces groupes se trouvent dans la même situation. Certains faisaient partie de l’EI [à Gaza, NDLR], d’autres étaient autrefois membres du Hamas et avaient des liens avec l’Iran, et beaucoup étaient de simples criminels. Certains étaient même en prison lorsque la guerre a éclaté, mais ils ont été libérés après que les bombardements israéliens ont détruit les prisons.
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Ce sont des groupes artisanaux israéliens. D’où proviennent leurs armes ? C’est la première question. La deuxième question est : qui paie leurs salaires mensuels ? Alors que tout le monde à Gaza souffrait de la faim et de la famine pendant la guerre, les seules zones où l’on trouvait de la nourriture étaient celles contrôlées par eux. D’où provenait cette nourriture ? La réponse à ces questions est Israël.
Plusieurs médias israéliens ont aussi traité de cette politique mise en place par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, lequel a, à plusieurs reprises, reconnu la stratégie consistant à “activer” certains groupes à Gaza et l’a défendue en déclarant : “Qu’y a-t-il de mal à cela ? C’est une bonne chose qui permet de sauver la vie des soldats de l’armée israélienne.”
Pour Gershon Baskin, négociateur israélien sollicité par la chaîne d’information CBS Israël “a donné du pouvoir, avec des armes et de l’argent, à des gangs de Palestiniens impliqués dans des activités pour la plupart illégales dans le passé, comme le trafic de drogue et la contrebande”. Selon lui, ces groupes ont été habilités à agir comme une alternative au Hamas, une stratégie qu’il a cependant qualifiée de “non viable”.
Autre critique du côté du député israélien d’opposition et ex-ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman, qui a accusé Benyamin Netanyahou en octobre 2025 d’avoir fourni des armes à des milices armées ayant des antécédents criminels et des liens avec l’organisation État islamique. Une accusation que le cabinet du Premier ministre n’a pas démentie. (...)
Les Forces populaires, ennemi juré du Hamas
Également connu sous le nom de Service antiterroriste, ce groupe est dirigé par Yasser Abou Shabab, 32 ans, considéré comme le chef de milice anti-Hamas le plus en vue. Avant le 7 octobre 2023, il était emprisonné par le Hamas pour trafic de drogue. Il commanderait aujourd’hui environ 400 hommes armés. (...)
Le groupe contrôle l’est de Rafah, certaines parties de l’est de Khan Younès et la route d’approvisionnement stratégique vers Gaza, comme le passage de Kerem Shalom. Yasser Abou Shabab nie officiellement toute coopération “directe” avec Israël, mais plusieurs vidéos démontrent des liens entre la milice et l’État hébreu. Le bastion des Forces populaires se trouve dans la zone contrôlée par l’armée israélienne à l’est de Rafah. (...)
Le Hamas accuse Yasser Abou Shabab non seulement d’être un “agent israélien”, mais aussi de piller les convois d’aide humanitaire entrant dans la bande de Gaza, une allégation que le bureau local des Nations unies a également confirmée. (...)
La Force d’intervention contre le terrorisme : “Nous travaillons avec les Israéliens”
Ce groupe, fondé en 2024, est dirigé par Hossam al-Astal, 50 ans. La Force d’intervention contre le terrorisme contrôle le village de Kizan an-Najjar dans la région de Khan Younès.
Hossam Al-Astal est un ancien officier des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne. Il a été accusé par le Hamas et l’Autorité palestinienne d’avoir collaboré avec Israël dans les années 1990.
Détenu à plusieurs reprises par le Hamas et condamné à mort pour son implication présumée dans l’assassinat en 2018, en Malaisie de Fadi al-Batsh, un agent du Hamas, un meurtre dont est soupçonné Israël. (...)
L’Armée populaire - Forces du Nord : un nouvel ennemi dans le nord de Gaza
Ce groupe n’est apparu que récemment. Les premiers signes de sa formation sont révélés dans des vidéos partagées sur les réseaux sociaux en septembre 2025, quelques semaines seulement avant le cessez-le-feu. À sa tête, un homme du nom d’Achraf al-Mansi. Le groupe opère dans le nord de la bande de Gaza et revendique le contrôle de Jabaliya et Beit Hanoun. (...)
Avant le cessez-le-feu, le groupe était actif sur les réseaux sociaux. Il menaçait le Hamas, le qualifiant d’organisation terroriste. Son activité en ligne semble cependant avoir cessé. Selon des sources locales, Achraf al-Mansi suit le même modèle opérationnel que la milice de Yasser Abou Shabab, mais le groupe est bien moins fourni : il ne compterait qu’une vingtaine de combattants. Sa coopération avec Israël et le groupe a été documentée dans plusieurs vidéos.
Les clans Hellis, Khanidak, Jundeya et Abu Werda
Ces quatre clans défient également ouvertement le Hamas (...)
Selon Ynet, ces groupes bénéficient d’un soutien logistique de la part d’Israël et sont rémunérés par l’Autorité palestinienne. (...)