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SOS Mediterranée
Ocean Viking : 3 questions à Anne Kamel, premier médecin à bord – « C’était une évidence  !  »
#SosMediterranee #oceanViking #sauvetages #migrants #immigration #solidarite #rescapés
Article mis en ligne le 25 juin 2025
dernière modification le 23 juin 2025

«  Pour moi qui aime la mer, savoir qu’il pouvait y avoir des gens qui se noyaient sans que personne ne pense à leur tendre la main, ce n’était pas acceptable. Je ne me suis pas posé de questions, j’y suis allée  !  » Lors de la première mission de sauvetage de SOS MEDITERRANEE, en mars 2016, Anne Kamel était à bord de l’Aquarius avec le partenaire médical de l’époque, Médecins du monde (MDM). Depuis, Médecins sans frontières puis aujourd’hui, la FICR, ont succédé à MDM. Encore aujourd’hui, Anne continue de participer aux activités de la clinique sur l’Ocean Viking chaque fois qu’elle arrive à se libérer de ses responsabilités à Caen

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Comment vous êtes-vous engagée comme premier médecin à bord en 2016  ? 

À l’époque, j’effectuais des missions dans différents pays avec Médecins du monde. Dans mes consultations, j’avais déjà entendu des personnes raconter les épreuves subies sur les routes migratoires, cette traversée abominable où elles étaient vraiment laissées à elles-mêmeset dont plusieurs ont gardé un traumatisme  : des gens tombés à l’eau, des morts, des personnes qui ont perdu un frère, une sœur, toute leur famille… En fait, la Méditerranée était devenue un immense trou noir où les gens s’engouffrent sans que personne ne soit là pour leur tendre la main.

Quand Sophie Beau est venue présenter son projet à Médecin du monde, j’étais à 100% avec elle  ! C’était un projet complètement fou  ! Affréter un bateau qui irait faire du sauvetage maritime pour ces personnes qui tentaient la traversée depuis la Libye… mais c’était effectivement un besoin vital. Il n’y avait personne qui faisait ça. Les sauvetages officiels venaient de s’arrêter1. C’était une catastrophe humanitaire.

Cette situation suscitait en moi une telle indignation, une telle colère… (...)

La mission de SOS MEDITERRANEE, c’est sauver, protéger et témoigner. Dans ces trois domaines, on a progressivement construit une expertise qui, aujourd’hui, fait école. C’est aussi cette rigueur qui fait qu’on peut témoigner à terre de ce qui se passe en mer de manière beaucoup plus efficace, précise et documentée.

Au fil des missions, l’obstruction au sauvetage que nous subissions s’est accentuée. Fermeture des ports, privation de pavillon, détentions…. Et aujourd’hui, on en est à une obstruction physique et violente de la part des garde-côtes libyens sur zone.

Même si parfois il y a des missions très difficiles, des moments de colère, de tristesse, de découragement devant toutes ces entraves, je ne souhaite pas arrêter. C’est cette part de colère qui fait, je crois, qu’on y retourne, parce qu’on ne peut pas laisser faire une telle injustice. Et au-delà de ça, il y a cette part d’humanité qu’on ne rencontre nulle part ailleurs, cette intensité des rencontres, cette intensité de vie à bord. (...)

Plus que jamais, dans le contexte actuel, il faut qu’on aille au-devant des gens pour leur dire  : «  il faut en parler, il ne faut pas fermer les yeux, car ça continue  !  » D’ailleurs, il n’y a pas seulement les équipes qui sont sur le navire qui ont un rôle à jouer. Ce sont aussi les bénévoles qui organisent des événements, tiennent des stands, prennent la parole en public, ce sont les élèves qui sont sensibilisé.e.s par ces bénévoles qui vont aller en parler à leurs parents, les étudiant.e.s, les universitaires, chaque personne qui connaît la situation peut en parler. Il faut que ça se sache pour que les politiques changent. Il faut que ça se sache pour qu’on puisse aussi avoir les moyens de continuer à sauver des vies.