
Lors du dernier naufrage meurtrier dans la Manche, le 22 novembre, deux personnes sont officiellement décédées selon les autorités françaises. Mais InfoMigrants a eu vent de la disparition d’un troisième exilé, un Éthiopien, monté à bord du canot et dont personne n’a de nouvelles depuis. Sa famille a alerté la gendarmerie et la police, sans trouver de réponses à ce jour.
"La dernière fois que j’ai échangé avec Eskiel, c’était la veille du naufrage", commence à raconter Bisrat, exilé éthiopien à Londres. "Mais depuis, son téléphone ne répond plus”.
Bisrat a aussi perdu le contact avec celui qu’il considérait comme son frère : Eskiel Sebsbea Tsgaye. Il avait 37 ans, était à bord mais ne figure pas parmi les deux victimes officielles.
Parti de Londres pour Calais dans la foulée, Bisrat tente depuis une dizaine de jours d’alerter les autorités et de retrouver la trace du disparu. Derrière lui, c’est toute une famille, dispersée à travers le monde, qui s’inquiète. (...)
Le 22 novembre, Tatek apprend sur Facebook la nouvelle du naufrage meurtrier. "J’ai tout de suite appelé Bisrat à Londres, qui m’a confirmé qu’Eskiel était effectivement sur le bateau", se souvient l’oncle. Une photo des passagers, prise juste avant leur départ et consultée par InfoMigrants, atteste de la présence d’Eskiel parmi eux. Depuis, la famille tente de reconstituer les circonstances de sa disparition au-delà de la seule version officielle existante : celle du communiqué de la préfecture maritime.
Zones de flou autour du déroulé du naufrage (...)
S’il est difficile de savoir à quel moment Eskiel est tombé à l’eau - au moment du naufrage ou juste avant avec les deux femmes -, différentes personnes présentes sur l’embarcation sont certaines d’avoir vu Eskiel dans l’eau. "Il était sur le bateau, je m’en souviens bien, je l’ai vu s’accrocher au bateau après être tombé, il ne portait pas de gilet de sauvetage", abonde Mimi Tsegaye auprès d’InfoMigrants. (...)
La préfecture reste muette sur le dossier, la gendarmerie de Boulogne-sur-Mer de son côté affirme avoir ouvert une enquête. Contactée par la rédaction, elle n’a pas fourni pour l’heure plus de détails.
Eskiel dans l’angle mort des opérations de sauvetage ? (...)
En 2021, Eskiel a quitté sa famille en Éthiopie avec un visa Schengen afin de suivre des études aux Pays-Bas. Sur place, il a obtenu un master, puis a souhaité poursuivre sa vie là-bas et prolonger ses études en s’inscrivant à un deuxième master. Mais l’université a refusé cette nouvelle inscription. "On lui a fait comprendre qu’on ne lui avait laissé qu’une seule chance", retrace l’oncle. Suite à ce refus, Eskiel s’est alors rendu au Danemark, "mais ça n’a pas marché non plus, là-bas", ajoute Tatek.
Eskiel a donc fait le choix de tenter de rejoindre le Royaume-Uni. Pour poursuivre ses études, mais aussi parce qu’il parlait anglais, et que son frère Bisrat "lui manquait terriblement" selon sa cousine Mimiy. Désormais, pour qu’Eskiel ne soit pas oublié par les autorités, "il faut que son prénom et nom circulent", insiste Tatek. "Il n’y a que comme ça que les choses pourront peut-être bouger". (...)