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Paris 2024 : Des travailleurs corvéables à merci
#JO2024 #inegalites
Article mis en ligne le 28 juillet 2024
dernière modification le 26 juillet 2024

Le coup d’envoi des Jeux de Paris est donné ce vendredi soir avec la cérémonie d’ouverture sur la Seine, qu’on promet grandiose. Et la France se gargarise : tout est prêt. Mais pour les petites mains des Jeux, embauchés par le comité d’organisation, c’est un régime spécial. Repos hebdomadaires suspendus temporairement, salaires au rabais, planning délirants et omission des risques de santé, la liste des libertés prises avec le code du travail est longue. Blast dévoile comment les textes sont piétinés, au nom des valeurs de l’olympisme. Les Jeux valent bien ça.

(...) L’occasion pour une ville et un pays de s’enorgueillir d’accueillir le monde dans un concert de compétitions, d’exploits, de records et de médailles glanées par des gladiateurs désirables, au prix de leur force, leur sueur, leur ténacité et leur courage.

Pour le pays hôte, cette quête de l’or est vécue comme une parenthèse enchantée. Avec Paris 2024, la France la voit arriver avec une sorte de soulagement, dans une période particulièrement chahutée sur les plans politiques et institutionnels – jusqu’à cette trêve décrétée unilatéralement par son président de la République, qui considère que tout doit s’arrêter pour l’occasion. (...)

Derrière ce tableau qui se veut parfait, naturellement, on repère bien des à-côtés : un dispositif de sécurité ubuesque, l’accès à des pans entiers de la capitale soumis à autorisation et QR code, même pour les riverains, des rues entièrement grillagées, des transports publics à prix prohibitifs, des locataires mis à la porte de leur logement (comme Blast l’a détaillé, dans une enquête publiée ce 24 juillet), un pays sans gouvernement, si ce n’est de transition, secoué par une crise politique jamais vue depuis 1958… (...)

En début de semaine, on a eu une belle démonstration. Les Gaulois réfractaires ont encore frappé : le poing levé, 200 danseurs ont refusé lundi 22 juillet de participer à la répétition de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Une manifestation lors du filage de leur tableau, sur les bords de Seine, en prévision du spectacle programmé ce vendredi à 19h30. Une étape de plus dans le long conflit qui oppose depuis des mois ces intermittents, comme l’a détaillé Médiapart, à Paname 2024, le groupement d’entreprises chargé par le COJOP d’organiser les agapes du premier soir. (...)

Pendant des semaines, la direction de Paname 2024 a refusé toute concession, jusqu’à ces derniers jours. (...)

A l’approche de la date fatidique, devant la menace de grève, une amélioration sensible a été obtenue le 24 juillet. (...)

Dans ce marasme, les élèves du conservatoire de danse ont subi un sort particulier. « On n’a pas été payé pour nos répétitions d’avril, ni pour les jours de “laboratoire” en mars et on est moins défrayé, calcule l’un d’eux auprès de Blast. Cela fait beaucoup, au prétexte des Jeux olympiques et de la “chance” qu’on a de se produire dans un tel évènement. »

D’autant qu’un léger détail a été tout récemment porté à la connaissance de l’ensemble performeurs. « Samedi dernier, on nous a passé une vidéo pour nous prévenir que les toits où on allait bosser étaient contaminés au plomb depuis l’incendie de Notre-Dame. (...)

Il y a un temps pour tout. Alors, pour toutes les autres demandes non satisfaites, Paris 2024 a tout bonnement renvoyé les mécontents à... ouvrir des procédures contentieuses. En clair, à attaquer aux prudhommes !

« On a obtenu une victoire grâce à notre action collective et la solidarité de tous les danseurs, pointe Lucie Sarin. Mais on a quand même l’impression qu’ils agissent comme si les JO étaient un moment où on pouvait réinventer le droit. » (...)

Piétinement annoncé du droit social (...)

A dire vrai, ce piétinement du droit social n’est pas une surprise. Il était même annoncé : le 23 novembre 2023, Elisabeth Borne, alors Première ministre, a signé le décret « relatif à la suspension temporaire du repos hebdomadaire dans les établissements qui connaîtront un surcroît extraordinaire de travail dans le cadre des jeux Olympiques de 2024 ». Dénoncé et attaqué devant le conseil d’État par la CGT et la CFDT, le texte a bien été validé par les sages du Palais-Royal au grand dam des organisations syndicales, obligées d’acter la mise hors-jeu du droit social pendant les JO. (...)

Pour être encore plus explicite, le ministère du Travail a dédié une page de son site à la bonne application du décret. Elle précise que les salariés peuvent au maximum travailler « jusqu’à douze jours consécutifs », en ajoutant qu’il s’agit d’une disposition de « dernier recours », applicable « du 18 juillet au 14 août ».

Des conditions dérogatoires que le COJOP ne respecte même pas : selon les informations de Blast, les plannings ont été imposés sans aucune possibilité de discussion et ils s’étendent jusqu’à la mi-septembre, après la fin des Jeux paralympiques, sur une période... non couverte par le décret d’Elisabeth Borne. « Ces plannings sont hallucinants, fulmine la CGT, alertée par des salariés de Paris 2024. Et cette organisation du travail semble franchement hors des clous ». (...)