
Créé en 2017 par le Collège de France, le dispositif d’urgence a déjà permis de sauver quelque 700 intellectuels étrangers menacés dans leur pays. Mais ses subventions ne cessent de baisser, et plusieurs lauréats gazaouis sont bloqués en Palestine.
Dans un monde secoué par la montée des conflits, la répression politique et l’effondrement des libertés fondamentales, la guerre ne tue pas que des civils : elle réduit aussi au silence artistes et scientifiques. De Gaza à Khartoum, de Kaboul à Moscou, chaque jour, nombre d’entre eux sont contraints à l’exil, menacés pour leurs idées, empêchés d’enseigner, de créer, ou simplement de vivre en sécurité. Les pays d’accueil où ils trouvent refuge se sont parfois dotés de moyens pour leur permettre d’arriver dans des conditions acceptables, et surtout leur donner la possibilité de continuer à exercer leur travail ou leur art. C’est ainsi que, en France, le Collège de France a créé le programme Pause (Programme d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil), qui, depuis sa création en 2017, a accueilli plus de 700 personnes venues de Syrie, d’Afghanistan, de Turquie, d’Ukraine, du Soudan, ou encore du Venezuela, dont 170 en 2024.
Leur point commun : ils sont confrontés à la censure, à la guerre ou à la répression. Grâce à Pause, ils trouvent dans l’Hexagone une protection juridique et matérielle, mais aussi un environnement académique où leur voix peut continuer de porter. Accueillis dans des établissements partenaires — universités, grandes écoles, centres de recherche — ils peuvent y poursuivre leurs travaux. Histoire, médecine, droit, sociologie, physique, littérature ou encore arts plastiques… Pour beaucoup, c’est le moyen de continuer à se mobiliser à distance, à travers leur recherche et la création.
Choix politiques
Ce programme est aujourd’hui mis en péril pour des raisons financières. L’an passé, le dispositif bénéficiait d’un budget de 7 millions d’euros ; cette année, l’enveloppe a été réduite de moitié. Cette baisse survient alors même que les candidatures affluent, notamment en provenance de Gaza, où les chercheurs tentent de fuir une situation humanitaire catastrophique et dangereuse. (...)
Le budget du dispositif Pause avait déjà diminué de manière progressive, avec la non-reconduction d’un fonds européen de quatre millions d’euros en 2021, puis la perte d’aides publiques exceptionnelles attribuées au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine. Un assèchement des financements d’autant plus incompréhensible au vu de la situation internationale et du soutien institutionnel important dont bénéficie a priori le programme. Son comité directeur regroupe en effet des représentants de plusieurs ministères stratégiques : Affaires étrangères, Culture et Enseignement supérieur. Mais malgré ce parrainage de haut niveau, qui lui permet de continuer à recevoir quelques aides supplémentaires, les moyens ne sont plus à la hauteur des enjeux. (...)
En mai, une tribune collective publiée dans Le Monde et signée par plus de trois cents universitaires et artistes — parmi lesquels Patrick Boucheron, Didier Fassin, Édith Heard ou encore Ariella Aïsha Azoulay — dénonçait l’incapacité de la France à faire venir plusieurs lauréats bloqués à Gaza. (...)
Emmanuel Macron avait rappelé lors de son discours à la Sorbonne, le 5 mai, que le programme Pause a été créé « au nom de cet universalisme scientifique, jumeau de l’universalisme européen ». Alors, après les mots, les actes ? (...)