
Commentaires racistes, appels au meurtre : sur la page Facebook du député européen d’extrême droite Matthieu Valet, septième sur la liste de Jordan Bardella en 2024, la haine de ses 187 000 abonnés se déverse en continu. Tandis que lui y multiplie les publications à l’égard de ce qu’il appelle « la racaille ».
Les uns à la suite des autres, les internautes vomissent leur racisme. « Allez, retour au zoo », « encore des anges bronzés », « c’est la faute à la polygamie », « c’est quel épisode de la planète des singes ? », « merci de ne pas les comparer avec des animaux, car les animaux sont nos amis pour la vie et intelligents ».
Ces commentaires ont été publiés dans la seule journée du mercredi 23 juillet, sous une des multiples publications Facebook du député européen Matthieu Valet, qui est aussi l’un des porte-parole du Rassemblement national (RN). (...)
Matthieu Valet, 39 ans, est un ancien policier français reconverti en député européen, élu en 2024 sous la bannière du Rassemblement national (RN). Il a été présenté comme l’une des « belles prises » de Jordan Bardella, le président du RN, qui l’a positionné septième sur sa liste aux européennes.
Pour cause : l’homme sait faire le buzz et est régulièrement invité au micro des médias de la sphère Bolloré (CNews, Europe 1) – aujourd’hui en tant qu’élu, jadis en tant que porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP).
Mais c’est surtout sur les réseaux sociaux que le porte-parole du RN et son équipe développent une stratégie minutieusement exécutée. Mediapart a analysé trente jours d’activité sur sa page Facebook officielle, où il dispose de 187 000 abonné·es. Ses publications à la chaîne génèrent un flot quotidien de commentaires d’une violence inouïe, de messages racistes et d’appels publics au meurtre, sans aucune modération.
Responsable de sa page
En tant que créateur et administrateur de sa page, Matthieu Valet a pourtant la responsabilité de la modération des commentaires. (...)
Contactée, la direction du RN n’est pas revenue vers nous. Elle s’est pourtant montrée ferme, après que le média Les Jours a récemment révélé la présence d’un quart des député·es du parti dans des groupes Facebook où des internautes publiaient des commentaires racistes. « Nos députés vont quitter ou ont quitté déjà ce groupe », a promis notamment le vice-président du parti, Sébastien Chenu.
Selon Matthieu Valet, cela n’aurait rien à voir : « Vous mélangez tout ; je ne fais partie d’aucun groupe sur Facebook et je n’ai aucun groupe ! Il y a des publications qui ne dépendent pas de moi, de personnes que je ne connais pas. Je n’interagis jamais avec les commentaires. »
L’absence de modération peut pourtant coûter gros. Le Conseil d’État a notamment retenu cet argument, lorsqu’il a validé la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) en septembre 2021. (...)
Appels au meurtre
Sur la page Facebook publique qu’il administre et fait vivre, Matthieu Valet et ses équipes laissent notamment des internautes multiplier les appels au meurtre – Mediapart en a recensé au moins une dizaine en un mois. (...)
« Racaille », « sauvages » : le vocabulaire du porte-parole du RN
Habitué des plateaux de télévision, Matthieu Valet en exploite la moindre de ses apparitions, découpant chacune de ses allocutions en trois ou quatre clips d’une minute ensuite partagés sur ses réseaux. CNews et BFMTV sont ses principales vaches à lait : en trente jours, il a généré quarante clips extraits de ces deux chaînes, soit près de la moitié de son activité vidéo au global. En moyenne, une vidéo atteint 370 000 vues.
Les mots qu’il utilise sont également lourds de sens. Selon nos observations, l’élu européen a écrit seize fois le mot « racaille » en un mois sur sa page, et treize fois les termes de « barbare » ou de « sauvage », ce qui représente près de 30 % de ses 111 publications.
Le porte-parole du Rassemblement national assume ce vocabulaire (...)
Le terme, qui semble banalisé dans la bouche du député européen, a valu récemment un procès à un autre porte-parole du RN. Le 18 juin 2025, Laurent Jacobelli, député de Moselle, a comparu devant le tribunal correctionnel de Thionville pour avoir traité deux fois de « racaille » son collègue député Belkhir Belhaddad (Renaissance). Le ministère public a requis des amendes pour outrage, injure à caractère raciste et diffamation – le délibéré est fixé au 2 septembre.
Là encore, Matthieu Valet ne « comprend pas le parallèle ». « Moi je n’insulte personne nommément », justifie-t-il. Il lui arrive pourtant d’utiliser ce champ lexical lorsqu’il mentionne les jeunes qui se sont révoltés dans les quartiers populaires après la mort de Nahel, jeune de 17 ans tué par un policier lors d’un contrôle routier.
Au téléphone, il dit ne pas voir la dimension raciste de ce champ lexical. (...)
Après notre échange avec l’eurodéputé le lundi 28 juillet, un grand ménage a toutefois été fait sur sa page. Mediapart a pu constater que 600 commentaires ont été supprimés, du jour au lendemain, sous une publication qui récoltait de nombreux messages racistes.
Le plus actif des députés européens RN
Matthieu Valet pouvait-il ignorer l’étendue de la violence des commentaires que sa page accueille depuis des mois ? (...)
Un tour sur les pages Facebook des vingt-neuf autres eurodéputé·es du RN permet en tout cas de voir que les comptes des réseaux sociaux de l’ex-policier sont, de loin, les seuls à générer autant de commentaires haineux.
Déjà, parce que ces élu·es ont en moyenne dix fois moins d’abonné·es, à l’exception de Jordan Bardella (625 000 abonné·es). Ils et elles touchent de facto beaucoup moins de monde. Aussi, parce qu’aucun·e ne publie à un rythme aussi effréné et avec un champ lexical aussi violent que l’ancien policier, qui dédouble par ailleurs ses posts sur LinkedIn, sur X ou encore Instagram. Sur ce dernier réseau, les commentaires racistes se comptent aussi par dizaines, d’une extrême violence, et sans aucune modération. (...)
En plus de la responsabilité de l’élu se pose celle de Meta, le groupe de Mark Zuckerberg qui possède Facebook et Instagram. Depuis 2024, le Digital Services Act (DSA) oblige les plateformes numériques dans l’Union européenne à proposer des outils de signalement clairs à ses utilisateurs et utilisatrices, et à retirer les contenus illicites rapidement, une fois signalés. Les deux réseaux peuvent aussi mettre en place une détection algorithmique de mots interdits ou potentiellement sujets à modération. Contacté, Meta n’a pas apporté de réponses à nos questions.