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Quand l’idéologie sioniste se mêle d’archéologie
#israel #palestine #sionisme #archeologie
Article mis en ligne le 8 juillet 2025
dernière modification le 5 juillet 2025

Dans un ouvrage important, Marius Schattner et Frédérique Schillo montrent comment Israël a fait des fouilles à Jérusalem un enjeu politique. Au mépris de la réalité.

On aurait grand tort de lire l’imposant ouvrage de près de huit cents pages du journaliste Marius Schattner et de l’historienne Frédérique Schillo avec les seules lunettes du rapport au sionisme. Si, in fine, il contredit le « roman national » israélien, il est aussi et surtout une passionnante histoire de l’archéologie à Jérusalem.

On croise dans ce livre des figures pittoresques, mi-­scientifiques mi-aventuriers. On y mesure à quel point chaque découverte dans les sous-sols de la ville « trois fois sainte » captive le public, même si l’histoire n’est pas toujours le ressort de cette passion. On est mêlé à la guerre des écoles entre « minimalistes », qui ne croient pas à l’antique existence d’une vaste cité du roi David, et « maximalistes », qui veulent y croire au prétexte que « l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’inexistence ». Il faut lire l’incroyable saga des manuscrits de la mer Morte, qui, en ancrant le christianisme dans l’histoire, ont menacé son caractère sacré, avant d’être grossièrement confisqués par Israël. Autant de récits qui sont un délice de lecture. (...)

Dans un chapitre titré « L’archéologie comme instrument de colonisation », les auteurs déplorent que les rares archéologues israéliens ayant osé s’affranchir de « leur rôle d’architecte du récit national » n’aillent pas jusqu’à s’élever publiquement « contre l’instrumentalisation de leurs travaux ». Leur prudence s’explique par une dépendance envers le pouvoir ou, le plus souvent, par un besoin de financement. Par « soif de renommée ou, tout simplement, par désir de fouiller, du moment que l’opportunité est offerte ». Pour ces raisons, la plupart des archéologues « ne répugnent pas » à coopérer avec des organismes promouvant la colonisation. (...)

Pour « la bonne cause », certains acceptent de fouiller sur des terres dont les habitants palestiniens ont été chassés. Les auteurs citent comme exemple les fouilles hautement stratégiques de la Cité de David à Silwan, dans le sud de Jérusalem. Ici se concentre l’enjeu d’une véritable guerre idéologique. (...)

Aucune trace du roi David, donc, dans le sous-sol pourtant le plus fouillé au monde. Il est probable qu’un roi David a existé au Xe siècle avant J.-C. Mais rien n’atteste de la conquête de Jérusalem par David, ni de la transformation de la cité en un vaste royaume par son successeur Salomon.

Une opération ‘archéologique’ a été lancée en 2005 par l’association ultranationaliste El’ad, la plus richement dotée de toutes les ONG.

Pour démontrer l’indémontrable, une opération « archéologique » a été lancée en 2005 par l’association ultranationaliste El’ad, la plus richement dotée de toutes les ONG, dont le but évident était de « judaïser » le quartier. Au prétexte de « redonner vie » à une Cité qui n’a jamais existé, l’association procède à des achats de terrains et de maisons, bernant à qui mieux mieux les habitants palestiniens. Quand les expulsions ne se font pas manu militari. Des groupes de colons se sont ainsi installés au milieu de 40 000 Palestiniens. (...)

Dans sa préface, Vincent Lemire raconte qu’un jour il fut appelé en hâte par un archéologue : on venait de mettre au jour une maison du quartier des « Maghrébins » datant du XIIe siècle. Lemire eut le temps de prendre quelques photos avant que les bulldozers n’entrent en action. Dans le meilleur des cas, la découverte n’intéressait pas les maîtres de travaux israéliens. Dans le pire, elle rappelait la lointaine présence des Arabes dans l’espace même d’où on tente aujourd’hui de les chasser.

S’il était lu comme il a été écrit, dépouillé de préjugés idéologiques, le livre de Schattner et Schillo devrait bousculer l’un des mythes les plus importants du sionisme. Mais, nous savons, hélas, que rien ne résiste à la propagande.