Les intérêts privés continuent d’écraser la science et l’intérêt général. C’est la conclusion des négociations sur les quotas de pêche qui se sont achevées à Bruxelles dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 décembre, et ont une fois de plus sacrifié les écosystèmes et les petits pêcheurs au profit des flottes industrielles les moins durables écologiquement et socialement, et les moins performantes économiquement.
L’arrivée de Mme Catherine Chabaud au ministère de la Mer n’aura pas suffi à briser l’emprise des lobbies industriels sur le destin du plus grand bien commun de l’humanité : l’océan. En Méditerranée, comme dans le Golfe de Gascogne, la surpêche se poursuit malgré l’urgence écologique.
Le cas du maquereau est emblématique : alors que l’espèce est au bord de l’effondrement, aucune décision claire n’a été prise, tant la pression des intérêts économiques prime sur l’alerte scientifique. Dans ce système verrouillé, les lobbies continuent à influencer les négociations en toute impunité. Derrière des portes closes, dans l’opacité la plus totale, ils dictent l’agenda politique et neutralisent toute intention de réforme. Cette capture de la décision publique est au cœur du problème.
BLOOM, qui pour la première fois, a pu constater en personne la séquestration de la décision publique par la connivence entre lobbies et politiques, appelle à rompre avec ces pratiques
La nouveauté, cette année, dans ce rituel bien rodé, était la présence de BLOOM à l’hôtel Thon situé à proximité du Conseil de l’UE, où un ballet de ministres a lieu nuit et jour pour informer les lobbies de la pêche et prendre leurs consignes avant de retourner dans la salle de négociations. L’équipe de BLOOM était présente dans cet épicentre du lobbying pour documenter et observer les coulisses de ces négociations déterminantes pour la santé des écosystèmes européens.
A la différence de ses prédécesseurs, la nouvelle ministre de la Mer et de la Pêche Catherine Chabaud incarnait l’espoir d’une réelle défense des avis scientifiques pour une gestion durable des populations de poissons. Notre attente citoyenne était qu’elle ne fasse aucune concession face à la surpêche. Mme Chabaud était connue pour ses positions favorables à la protection de l’océan et des petits pêcheurs lorsqu’elle était députée européenne.
Mais cet espoir a été en partie douché.
La surpêche se poursuivra en 2026 : razzia sur le bar atlantique, désastre en Méditerranée (...)
Si les avis scientifiques ont été respectés pour plusieurs espèces comme l’anchois et le lieu, la ministre n’a pas empêché que la santé des eaux du Golfe de Gascogne et de Méditerranée soit une nouvelle fois sacrifiée face aux injonctions des lobbies. La France, aux côtés de l’Espagne et de l’Italie, a formé une coalition pour s’opposer à la position plus exigeante de la Commission européenne. (...)
En Méditerranée, la ministre n’a pas pris acte de l’état de surexploitation catastrophique des populations de poissons. Selon les dernières évaluations de stocks, moins de 1% des captures provenait de populations en bonne santé. La France, l’Italie et l’Espagne se sont liguées pour freiner toute réduction ambitieuse de l’effort de pêche en Méditerranée en obtenant un statu quo (...)
La connivence avant la transparence : une ministre prisonnière des lobbies
Comment expliquer que Madame Chabaud n’ait pu obtenir la protection et la restauration des écosystèmes marins ?
Si les négociations se sont tenues dans l’opacité instituée par les règles du Conseil de l’UE, les coulisses auront ont été tout aussi obscures pour la société civile française. Alors que l’Espagne a jugé légitime de réunir, en un lieu ouvert, représentants du secteur et ONG pour les informer des avancées des négociations, la ministre française a cédé aux lobbies français qui ont exclu les ONG et notamment BLOOM, des briefings et points d’étape réguliers faits à propos des négociations. Seuls les industriels du secteur ont eu droit, à deux reprises, à des réunions de debriefing par Madame Chabaud en personne, dans une salle privatisée à l’hôtel Thon. L’équipe de BLOOM, présente sur place, s’est vu refuser l’accès à ces réunions traitant de l’exploitation d’une ressource publique : les poissons.
“La mer n’appartient à personne et à tout le monde à la fois. Dans ce contexte, il n’est pas tolérable qu’une poignée de représentants du secteur souffle à l’oreille de la ministre entre deux sessions de négociations pour faire valoir leurs intérêts privés. Le ministère devrait être le garant de l’intérêt général. A ce titre, il devrait tenir le cap du respect inconditionnel des avis scientifiques, seule façon de tendre vers une pêche durable” considérait Léna Fréjaville, responsable de campagne sur la Transition des pêches de BLOOM.
BLOOM : un caillou dans la chaussure des lobbies et des politiques (...)
Rappelons que les principales flottes industrielles « françaises » sont en majorité possédées par des multinationales néerlandaises qui ont accaparé les quotas. Nous sommes très loin de la défense du secteur de la pêche française.
Prochaine étape : une application de l’article 17 de la PCP pour la répartition des quotas au sein des organisations de producteurs (OP)
La ministre Catherine Chabaud doit désormais imposer que :
- L’article 17 de la Politique commune des pêches soit strictement mis en œuvre pour allouer en priorité les quotas aux pêcheurs artisans utilisant des méthodes sélectives à l’intérieur des OP.
- Le quota de maquereau soit donné aux pêcheurs artisans. Il n’est plus acceptable que les deux navires-usines Scombrus et Prins Bernhard, sous capitaux néerlandais, accaparent la moitié du quota français de maquereau.
BLOOM appelle Madame Chabaud à rester fidèle à ses engagements et aux valeurs qu’elle défendait jusqu’ici en tant que députée européenne (...)