
Stratège de Marine Le Pen, la députée Caroline Parmentier a écrit pendant trente ans dans le quotidien « Présent ». Elle y parle du « lobby juif », rend l’homosexualité responsable du sida, célèbre Pétain, attaque la « grosse » Simone Veil et fustige les « supporters babouins » dans les stades. Interrogée par Mediapart, elle ne retire rien de ce qu’elle a pu écrire.
Le passé de la députée Rassemblement national (RN) Caroline Parmentier s’appelle Présent. C’est le nom du journal d’extrême droite – sa devise est « Dieu, famille, patrie » – dans lequel cette proche de Marine Le Pen a travaillé pendant trois décennies. Reconvertie en politique, Caroline Parmentier a intégré il y a sept ans les structures du RN avec une dimension stratégique essentielle : poursuivre auprès des médias l’entreprise de dédiabolisation du parti et de ses deux principaux dirigeants, Marine Le Pen et Jordan Bardella.
En 2022, Marine Le Pen qualifiait Caroline Parmentier de « femme de talent », avec qui elle a eu le « plaisir de travailler et qui a été de tous les combats pendant la campagne présidentielle ». « Elle est une amoureuse de la France et du peuple français », s’enthousiasmait la cheffe de file de l’extrême droite française.
Mais Caroline Parmentier est-elle véritablement la mieux désignée pour la mission de dédiabolisation du RN ? Ses écrits dans Présent, que Mediapart a analysés dans les archives disponibles de la Bibliothèque nationale de France (BNF), offrent aujourd’hui une plongée saisissante dans un océan de racisme, d’antisémitisme, d’homophobie et d’intégrisme religieux d’une rare virulence, qui tranche avec la vitrine de respectabilité qu’essaye de s’offrir le parti d’extrême droite désormais aux portes du pouvoir.eLe passé de la députée Rassemblement national (RN) Caroline Parmentier s’appelle Présent. C’est le nom du journal d’extrême droite – sa devise est « Dieu, famille, patrie » – dans lequel cette proche de Marine Le Pen a travaillé pendant trois décennies. Reconvertie en politique, Caroline Parmentier a intégré il y a sept ans les structures du RN avec une dimension stratégique essentielle : poursuivre auprès des médias l’entreprise de dédiabolisation du parti et de ses deux principaux dirigeants, Marine Le Pen et Jordan Bardella. (...)
Sous la plume de l’actuelle députée du Pas-de-Calais, élue en 2022 à l’Assemblée nationale, les supporters dans les stades de foot sont ainsi comparés à des « babouins ». La journaliste évoque aussi l’existence d’un « lobby juif », rit aux blagues antisémites de Jean-Marie Le Pen et célèbre des auteurs apôtres du maréchal Pétain et de la collaboration avec l’Allemagne nazie.
Elle parle de « meutes tribales » dans des banlieues qui seraient des « zones françaises “recolonisées” à l’envers : en voie de barbarie, de tribalisation, de déshumanisation ». Elle sera d’ailleurs condamnée en 1995 par le tribunal de Paris pour diffamation raciste après avoir parlé dans un article de « voyous ethniques désœuvrés » et d’une génération d’« immigrés maghrébins » à l’origine de « violences et vandalismes ». Elle voit aussi dans la communauté des gens du voyage des « bohémiens galeux », « mangeurs de hérisson, voleurs de poules et même de voitures au besoin ». (...)
L’actuelle députée RN est une adoratrice assumée de Le Pen père, connu pour son antisémitisme et condamné par les tribunaux. « Le Pen a porté nos idées et celles de la droite nationale au plus haut niveau », salue-t-elle en 2011. Elle prend ainsi sa défense après une énième saillie antisémite du père de Marine Le Pen : « Savez-vous que le prénom du petit-fils de Sarkozy est Solal, ce qui ne relève pas d’une franche assimilation de sa famille à la société française. »
Et quand un lecteur de Présent la compare au journaliste et homme politique Serge de Beketch, un ancien de Minute et National Hebdo devenu directeur de la communication de la mairie de Toulon quand elle était aux mains du FN, Caroline Parmentier rougit : « Vous pouvez difficilement me faire plus plaisir. » Selon Le Monde, Serge de Beketch est pourtant un adepte de « calembours qui suintent l’antisémitisme et il ne rate jamais une allusion au génocide juif pour en relativiser l’ampleur » – il s’agit aussi d’un défenseur du négationniste Robert Faurisson, dont il conseille la lecture. (...)
Condamnée pour haine raciale
1994 est une année charnière dans la carrière de Caroline Parmentier. Le 29 novembre, la journaliste est en effet jugée à Paris à la suite de la plainte de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) contre un article qu’elle a publié un an plus tôt dans Présent. Il s’agit d’un texte qui amalgamait la question de la dernière génération d’« immigrés maghrébins », les « voyous ethniques désœuvrés » et des actes de « vandalisme et de violences » quand certains élus ou éducateurs envoient « des jeunes » à la campagne dans des gîtes d’accueil. « Le seul véritable problème réside dans la proportion d’immigrés en place, quelle que soit cette place », concluait-elle.
La journaliste sera finalement condamnée pour diffamation à caractère raciste en 1995, jugement confirmé en appel et, définitivement, jusque devant la Cour de cassation. (...)
en plein débat sur le mariage pour tous, elle laisse publier en une comme rédactrice en cheffe de Présent ce titre : « La haine Gaystapo ».
Cette ferveur homophobe semble trouver racine dans un intégrisme catholique très partagé au sein du quotidien nationaliste. Le combat contre l’avortement est par exemple l’un des marqueurs identitaires du journal, essentiellement porté par une autre journaliste, Jeanne Smits. Mais Caroline Parmentier parlera elle-même en 1998 de la loi sur l’avortement comme d’une « “loi républicaine” de l’auto-génocide ».
Caroline Parmentier n’est pas en reste quand il s’agit de défendre les visées les plus conservatrices de l’Église. (...)
alors que les révélations s’accumulaient sur les crimes sexuels dans l’Église, Caroline Parmentier, pourtant si prompte à défendre une enfance en danger, s’indignait : « C’est une période extrêmement pénible et la cabale est véritablement diabolique. Les loups hurlent en meute. »
Quinze ans plus tard, la députée Caroline Parmentier, vice-présidente du groupe parlementaire RN et membre du bureau national du parti, est aussi la vice-présidente de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale.
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Interrogés sur les propos racistes, homophobes, antisémites et anti-avortement de la députée du Rassemblement national, ses collègues du Palais-Bourbon se sont montrés gênés. La plupart ont évité nos questions, d’autres ont préféré en rire. Marine Le Pen et Jordan Bardella n’ont pas encore réagi. (...)
Confronté à quelques-uns de ces écrits, Michaël Taverne ne condamne à aucun moment les propos de sa collègue et n’appelle pas à son exclusion. L’ancien journaliste de LCI Philippe Ballard, élu médiatique du parti de Marine Le Pen, éclate d’un rire sonore quand on lui évoque le « lobby juif » décrit par Caroline Parmentier dans Présent. « Dehors les gauchos », enjoint de son côté Julien Odoul.
Juste après le vote de la « loi de simplification », le groupe RN reste mutique face aux questions de Mediapart. Sollicités dans la salle des Quatre-Colonnes, aucun des représentants de l’extrême droite à l’Assemblée nationale n’a souhaité prendre de distance face aux éclats de haine répétés de Caroline Parmentier. La plupart ont préféré s’échapper, sans glisser un mot.
Sébastien Chenu a, lui, commenté les révélations de Mediapart lundi sur LCP. Le député a rejeté l’idée d’une exclusion de cette proche de Marine le Pen et a tenté de relativiser. « Ses propos sont très anciens », a estimé l’élu du Nord, affirmant que sa collègue avait « rompu avec cette ligne, [...] rompu probablement avec une idéologie, [...] avec des propos ». « Et il faut plutôt s’en féliciter », a-t-il estimé.