
Alors que les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides se plaignent d’une pression du chiffre, un rapport conteste les objectifs fixés par le ministère de l’intérieur. La direction refuse de communiquer ce document aux salariés. Mediapart a finalement pu l’obtenir.
Face à des personnes en détresse, accélérer la cadence. Depuis octobre 2023, c’est pour s’opposer à ce qu’ils qualifient de « politique du chiffre » que les agents et agentes de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont fait grève à quatre reprises. Pour traiter les 142 500 demandes adressées l’an passé à l’Office, un objectif de 1,7 décision par jour a été attribué à chaque officier ou officière de protection.
S’entretenir avec le demandeur ou la demandeuse d’asile pendant plusieurs heures, examiner son dossier au regard du droit et motiver sa décision par écrit, et ce près de deux fois par jour : difficile de tenir un tel rythme.
Un rapport de mission de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), datant d’avril 2022, critique d’ailleurs vertement cet objectif chiffré. (...)
Pourtant en possession de ce document, la direction de l’Ofpra s’est bien gardée d’en communiquer les conclusions aux agent·es, malgré des demandes répétées des syndicats pendant plus de dix-huit mois. Après avoir saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) et juste avant la date butoir, Mediapart a finalement pu obtenir ce document (...)
Le syndicat Asyl et la CGT demandent à ce que l’objectif par agent soit réduit de 25 % « pour prendre en compte la complexification des procédures et permettre aux agents de réaliser un travail de qualité ». Mais c’est jusqu’à maintenant par le silence que leur a répondu la direction de l’établissement public. (...)
Tout en qualifiant ce document de la DITP de « très riche et utile », Julien Boucher affirme qu’il « n’avait pas vocation à constituer, en lui-même, la feuille de route de l’établissement », raison pour laquelle il n’a pas jugé utile de communiquer ce coûteux rapport aux agent·es. Depuis la première grève, en octobre 2023, il y a pourtant régulièrement pioché des idées.
« Depuis le début du mouvement de grève, il y a eu des petites mesures prises par la direction. En fait, ce sont très exactement celles qui sont contenues dans le document de la DITP ! », découvre Anouk Lerais, en citant pêle-mêle le recrutement de chefs de section d’appui, la réduction de la taille des équipes ou des journées dédiées à la formation. (...)
À la fin du mois de décembre, le directeur de l’Ofpra est passé de service en service pour s’entretenir avec les agents et agentes. « Il nous a dit qu’il fallait lui faire confiance mais que les choses allaient prendre du temps. Mais cela va être difficile de faire confiance quand on voit qu’il y a ça qui a été caché. »