
Des ONG attaquent le ministère de la santé en justice, le 14 avril, pour dénoncer son inaction en matière de réduction des risques liés à la consommation de drogues. Les deux seules haltes soins addictions de France sont menacées de fermer et les autres, empêchées d’ouvrir.
C’est la première fois en Europe que les pouvoirs publics auront à se justifier devant la justice face à ce que des ONG estiment être « une obstruction à la mise en œuvre de la politique de réduction des risques » liés à l’usage de drogues. Le but ? Que les « salles de shoot » perdurent et soient généralisées. Car ces haltes soins addictions (HSA) ont fait leurs preuves en matière sanitaire.
Elles ont décidé de lancer deux procédures juridiques le 14 avril devant les tribunaux administratifs de Paris et de Montreuil. Une première est portée par Médecins du monde et la Fédération Addiction, pour dénoncer une « carence fautive » compte tenu du Code de la santé publique, lequel exige de l’État de prévenir les dommages sanitaires causés par la consommation de stupéfiants.
Et ce, en raison de l’absence de réponse du ministère de la santé à la demande de Médecins du monde de prolonger l’expérimentation des deux seuls lieux de consommations supervisée en France ou d’en assurer la pérennité, à la suite d’un ultime courrier envoyé le 23 décembre 2024. Sans soutien politique, ces salles créées à Paris et à Strasbourg en 2016 pourraient fermer au 31 décembre 2025. (...)
« Nous sommes le dernier filet de secours. Nous faisons presque de la médecine de guerre à soigner des patients que l’on ne voit pas ailleurs, en grande précarité, qui font vingt ans de plus que leur âge. Après dix jours de rue sans dormir, sans se laver ni manger, ils résistent moins aux infections. La moindre plaie peut devenir monstrueuse et cela peut mener à l’amputation », alerte Élisabeth Avril, médecin, directrice de la halte soins addictions Jean-Pierre-Lhomme à Paris et de l’association médico-sociale Gaïa. (...)
De plus en plus d’injections de cocaïne
Au climat répressif actuel s’ajoute une inquiétude des acteurs et actrices de terrain née d’une nouvelle tendance de consommation qui a aussi poussé les ONG à agir en justice. « Avec l’arrivée massive de cocaïne en Europe, les dealers s’adaptent. Ils proposent des petites doses moins chères vendues pour être injectées. Des fumeurs de crack se mettent à se piquer, ce qui conduit à une prise de risque de transmission de maladies plus importante », avertit Élisabeth Avril. D’autant plus que ces shoots, particulièrement addictifs, poussent à se piquer à longueur de journée, « parfois quinze à vingt fois par jour », compte-t-elle. (...)
« À chaque halte soins addictions qui se crée, c’est une scène de consommation de drogues à ciel ouvert qui disparaît. » Catherine Delorme, la présidente de la Fédération Addiction (...)
Élisabeth Avril se désole aussi que des mineur·es, parfois échappé·es des services de l’aide sociale à l’enfance, baignent dans ces lieux dangereux, comme un peu plus loin sur le canal de l’Ourcq, aux abords de la station de métro parisienne Stalingrad.
Le quartier de « Stalincrak » porte toujours bien son surnom une fois la nuit tombée et jusque dans la matinée. (...)
La première « salle de shoot » européenne est née à Berne en 1986. « Grâce à la halte soins addictions, il y a moins de consommation dans la rue, un résultat généralisé en Suisse du fait du pragmatisme helvète. En tant que riverain, on ne se sent pas seul face à des individus en détresse totale, nous pouvons alerter », témoigne ce père de deux enfants. Un argument supplémentaire compilé par les ONG.