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Sans budget ni soutien public, des associations de quartier se mobilisent contre les rixes
#inegalites #delinquance #violences
Article mis en ligne le 31 mai 2024
dernière modification le 30 mai 2024

Des mères de quartiers populaires de Paris s’engagent contre les rivalités parfois violentes entre jeunes. Ensemble, elles montrent que, non, les parents ne sont pas absents.

(...) Le discours politique ambiant les présente comme des « parents absents ». Le discours de politique générale du Premier ministre, fin janvier, promettait, lui, la « mise en place de travaux d’intérêt général pour les parents de jeunes délinquants ».

« Il ne faut pas dire qu’on ne fait rien, s’insurge Hawa Haidara, de la Brigade des mamans, une association qui organise des maraudes dans le quartier parisien du haut Belleville pour parler aux jeunes. Ça fait très, très mal d’entendre ça. Parce que nous, on court sans arrêt. »

En face d’elle, Khady Mané acquiesce. Elle a souvent affaire à la police dans le cadre de ses actions de prévention dans le quartier de la Banane, dans le 20e arrondissement de Paris, et elle est confrontée à cette violence symbolique. « On nous voit comme des mères de voyous, regrette-t-elle. Nos enfants ne sont pas des voyous. Je veux que les commissaires et les habitants comprennent et respectent ce que l’on fait. » (...)

Entre l’heure du déjeuner et celle de l’aide aux devoirs, ces femmes essayent d’organiser une première marche contre les embrouilles de quartiers, communément appelées « rixes ». Toutes les trois semaines depuis le début d’année, ces mères membres d’associations de quartier qui luttent contre les violences, dégagent quelques heures de leur emploi du temps pour s’atteler à l’organisation de cet événement. (...)

« Je prépare cette marche avec Mohamed [Aknouche, éducateur spécialisé pour le club de prévention des Réglisses du 20e arrondissement] depuis 2019, précise-t-elle. Dès notre première rencontre, on a évoqué la possibilité de cette marche. Je n’ai jamais organisé un événement comme ça. La seule que j’ai faite, c’est celle pour la mort de mon fils. On a dû venir me chercher chez moi, et je n’avais rien organisé. »

Cette marche, prévue le 1er juin, les mères ont choisi de la dédier à « la vie dans nos quartiers » et à « l’apaisement des tensions dans nos quartiers ». Elles sont inquiètes et fatiguées des altercations violentes entre jeunes : des fils, des neveux ou des connaissances se blessent et meurent à cause de ces rivalités. « Et ce n’est pas que quand il y a un décès que les mamans s’activent, souligne Aoua Diabaté. Elles font du bon travail dès qu’il y a un problème dans le quartier. »

Selon des chiffres de la préfecture de police de Paris, les rixes entre quartiers ont conduit à 103 affrontements en 2022 et 99 en 2023 à Paris et en petite couronne. Trois jeunes ont été tués dans ces rixes sur ce territoire en 2022, quatre en 2023.

Face à ces violences, les mères réunies à Belleville veulent que la marche du 1er juin serve à améliorer le climat social et les représentations sur les rivalités de quartier, tout en montrant qu’il est possible de se mobiliser au quotidien. (...)

Ni budget ni lieu pour se retrouver

« On part de rien », constatait Mohamed Aknouche, éducateur, lors de la première réunion. Les femmes des associations se connaissent, elles ont déjà organisé des événements communs, se sont croisées à des événements pour présenter leurs actions de prévention ou sur le terrain auprès des jeunes. Mais, pour elles toutes, organiser une marche est une première. Et cela semble une montagne.

La petite équipe n’a ni budget, ni lieu pour se retrouver, ni expérience militante de l’organisation d’une manifestation. Mais la volonté emporte tout. (...)

« Vous comptez inviter des politiques en particulier ? » leur demandait l’éducateur Mohamed Aknouche en février. « On invite tout le monde », a balayé Aoua Diabaté. Mais la peur de la récupération plane au-dessus de l’organisation de la marche. C’est un fin équilibre à trouver pour ces femmes qui ne sont pas des professionnelles de la politique, pour faire appel à leurs réseaux de la politique locale et nationale tout en ne s’éclipsant pas en tant qu’initiatrices et leadeuses de la marche. (...)

les femmes et leurs associations ont créé un solide réseau au fil des années : Association des Maliens de France, Comité Adama, groupes de mères mobilisées contre les rixes à Marseille et dans d’autres villes de France… « Soyons gourmands, soyons forts, n’imaginons pas les choses en petit », s’enthousiasmait Khady Mané en conclusion d’une de leurs réunions.
« Tu n’as pas le choix… Tu es happé »

L’un des enjeux les plus importants pour les mères est de réussir à mobiliser les adolescents et jeunes de leurs quartiers. (...)