
Le « grand débat national » lancé par Emmanuel Macron comme réponse au mouvement des Gilets jaunes se termine en fin de semaine. Que pouvons-nous en penser ? Reporterre a posé la question à plusieurs personnes qui y ont participé, Gilet jaune ou pas.
Il y a celles et ceux qui ont immédiatement « flairé l’entourloupe ». Et d’autres qui ont salué l’annonce du président de la République, comme une manière de « sortir par le dialogue » de la crise des Gilets jaunes. Mais, après trois mois de « grand débat national », que retirez-vous de cette consultation lancée par Emmanuel Macron ? Nous avons posé la question à sept personnes, choisies arbitrairement parmi nos contacts. Certaines sont Gilets jaunes, d’autres ont suivi le mouvement social comme spectateurs. Toutes ont participé, de près ou de (très) loin, au débat public.
Lors du lancement de la consultation, Jean-Claude, agent du ministère de l’Agriculture et syndicaliste sans gilet jaune, a salué « une initiative intéressante de nature à enrichir le débat sur les solutions » pour sortir notre pays des crises écologique et sociale. À l’inverse, Thibault, technicien de maintenance en Dordogne et Gilet jaune de la première heure, a d’emblée dénoncé « l’enfumage et le coup de com’ » : « Macron veut pouvoir dire qu’il nous a écoutés, mais il n’est pas prêt à changer sa ligne de conduite. » Et la déclaration du président excluant de remettre en cause le crédit d’impôt compétitivité (CICE) et la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) n’est venue que confirmer ses soupçons. Pour lui, pas question de participer à cette « mascarade ».
De son côté, Hermine, paysanne installée en Dordogne, « sympathisante des Gilets jaunes », s’est trouvée ballottée entre son « envie de se faire entendre » et une intuition que « tout ceci ne servirait qu’à noyer le poisson ». Elle s’est ainsi rendue sur la plate-forme en ligne [1], dans l’idée de déposer une contribution. « Mais, les questions étaient si orientées… on n’avait aucune latitude pour répondre, raconte-t-elle. Il n’y avait pas de possibilité de discussion, avec des réponses et contre-réponses. Ça ressemblait plus à un sondage qu’à un débat. » (...)
Sarah aussi se dit convaincue que « les jeux sont déjà faits ». Pour autant, cette Gilet jaune quadragénaire, aide-soignante en invalidité, s’est rendue aux réunions locales à Montpon-Ménestérol (Dordogne), « pour qu’on ne puisse dire que les Gilets jaunes ne font que protester » : « nous sommes là, présents, nous participons, nous voulons être constituants », dit-elle. Mais lors de la rencontre autour de la transition écologique, organisée par la mairie, elle a tiqué sur « l’injonction qui nous était faite d’être de bons écocitoyens ». « J’ai dit qu’il fallait que ce soit les gros pollueurs qui payent, on m’a rétorqué que chacun d’entre nous devait prendre sa part », s’agace-t-elle. Au moment de parler de fiscalité, rebelote, elle s’est insurgée du fait « qu’on nous demandait de choisir quel ministère devait faire des économies en priorité. Mais santé ou éducation, on n’a pas à choisir ! » (...)
À Caen (Calvados), la municipalité a eu recours à une association spécialisée dans la médiation afin d’animer les débats. Résultat, lors de la réunion consacrée aux services publics à laquelle il a assisté, « des gens très différents, dont certains Gilets jaunes, ont pu s’exprimer, s’écouter, se respecter », selon lui. « C’est un des grands bénéfices de ce “grand débat national”, estime-t-il. Les gens se sont mis à se parler, à sortir de leur isolement, et ça fait du bien. » Même si, dit-il, « il y a beaucoup d’ignorance, tout le monde parle sans connaître, avec des manques d’information, voire des contre-vérités ». À Caen (Calvados), la municipalité a eu recours à une association spécialisée dans la médiation afin d’animer les débats. Résultat, lors de la réunion consacrée aux services publics à laquelle il a assisté, « des gens très différents, dont certains Gilets jaunes, ont pu s’exprimer, s’écouter, se respecter », selon lui. « C’est un des grands bénéfices de ce “grand débat national”, estime-t-il. Les gens se sont mis à se parler, à sortir de leur isolement, et ça fait du bien. » Même si, dit-il, « il y a beaucoup d’ignorance, tout le monde parle sans connaître, avec des manques d’information, voire des contre-vérités ». (...)