
Englués depuis 2019 dans une crise économique dévastatrice, les Libanais survivent tant bien que mal dans un pays au bord du chaos. Inflation record, comptes bancaires bloqués, pauvreté endémique... À bout, certains n’ont d’autres choix que de braquer leur propre banque.
septembre 2022. Téléphone dans une main, pistolet (factice) dans l’autre, debout sur le comptoir d’une agence Blom Bank du centre de Beyrouth, Sali Hafez, 28 ans, explose : « Je veux juste récupérer mon argent ! » Vêtue d’un jogging et d’un tee-shirt noir, la jeune femme ne réclame, de fait, rien d’autre que son argent. Sa sœur, atteinte d’un cancer, doit être opérée en Turquie. Montant de l’intervention ? 50 000 dollars. La banque accepte finalement de lui en verser près de 14 000. Aidée par des militants, soutenue par une foule en colère rassemblée devant la banque, Sali Hafez prend la fuite.
Depuis le début de la crise, en 2019, les actions contre les banques se sont multipliées. Mais le braquage de Sali Hafez, filmé et diffusé en direct, fait le tour des réseaux sociaux – et des émules. Dans les jours qui suivent, une quinzaine de braquages similaires ont lieu à Beyrouth, dont cinq pour la seule journée du vendredi 16 septembre. Craignant de faire exploser le pays, les autorités et les banques décident de ne pas en poursuivre les auteurs.
Pauvreté organisée
Depuis trois ans, pour éviter la banqueroute, les banques limitent les retraits à environ 200 dollars par mois pour les particuliers : à peine de quoi survivre. Arnaque supplémentaire : ces fonds, souvent déposés en dollars, ne peuvent être retirés qu’en livres libanaises (LL), au taux officiel d’environ 1 500 LL pour un dollar. Or, au marché noir, la monnaie nationale perd chaque jour un peu plus de sa valeur : à l’heure où ces lignes sont écrites, elle s’est effondrée à 37 000 pour un dollar. Cette « lirification des dépôts » constitue le principal moyen pour les banques de se désendetter.
Résultat ? La pauvreté explose. D’après l’Administration centrale de la statistique libanaise, en 2020, 73 % des ménages vivaient sous le seuil de pauvreté, avec un revenu total par mois inférieur à 100 dollars (...)
Retour en arrière
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Le produit intérieur brut (PIB) du Liban a baissé de 58,1 % entre 2019 et 2021, « la plus forte contraction enregistrée dans les 193 pays du monde », selon la Banque mondiale. Début 2022, le taux d’inflation a franchi plusieurs fois la barre des 200 %, ce qui place le Liban au troisième rang mondial après le Venezuela et le Soudan. « On cherche des solutions nous-mêmes. Il n’y a pas d’électricité ? On installe un générateur. Le générateur est devenu trop cher ? On installe des panneaux solaires si on a les moyens. Il n’y a pas d’eau ? On installe des citernes. On n’a plus de wifi ? On passe par nos portables. Mais dans tous les cas, on paye deux factures, pour tout : c’est le système do it yourself libanais », ironise Cynthia, avant de conclure : « On n’a pas d’État mais une mafia au pouvoir. »
Le #Liban a été frappé par une série de braquages de #banques cette semaine, dont trois pour la seule journée de vendredi, alors que de nombreux épargnants sont désespérés face à l'impossibilité de retirer leurs économies bloquées depuis trois ans. @afpfr pic.twitter.com/t4zjhgxMWh
— jonathan sawaya (صوايا) (@jonathan_sawaya) September 16, 2022
Au moins 7 banques braquées rien qu'aujourd'hui au Liban par des épargnants réclamant leur propre argent, bloqué depuis le début de la crise en 2019.
Toutes les banques du pays seront fermées pendant trois jours par sécurité.#Liban #banques #Crisis pic.twitter.com/yPC3TzaQQH— Artinstantly (@Artinstantly75) September 16, 2022