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Rue89 Bordeaux
Au Musée d’Aquitaine, Leila Sadel expose les histoires singulières des migrants
Leila Sadel est née en 1985 à Casablanca. Elle vit et travaille à Bègles. En 2009, elle obtient un DNSEP à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux.
Article mis en ligne le 14 janvier 2019

« Refuges », une résidence de création d’un an sur la question de l’exil
Le projet « Refuges » est né d’une commande artistique de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), du Musée d’Aquitaine de Bordeaux et du Réseau aquitain de l’histoire et de la mémoire de l’immigration (RAHMI). La plasticienne Leila Sadel, dont la pratique est orientée sur l’émergence de fictions, la construction de narrations, est alors partie à la rencontre de migrants installés dans l’agglomération bordelaise.

La rencontre par le biais de lieux, d’objets, de récits
Leila Sadel conçoit des installations comme une invitation à un voyage dans plusieurs temporalités. Après avoir parcouru des lieux, retracé des récits de rencontres, capturé des images d’objets, des éléments présents sur son parcours, elle rend compte de l’expérience par un assemblage d’images vernaculaires, de graphiques explicitant ses trajectoires. Cette approche poétique autour de la perception d’un territoire sous une forme à la fois, fragmentée, fidèle et étonnante, stimule notre attention au quotidien.

Leila Sadel questionne les représentations d’un monde chaotique, en mutation dans le temps fuyant comme ces images récurrentes de fleuves en mouvement, chargés d’objets. Il est souvent question d’errances comme action intentionnelle mises au service d’une œuvre orientée vers la rencontre de lieux, de personnes… (...)

« Refuges », la mise en œuvre
La résidence s’est déroulée dans l’itinérance avec des phases d’exploration de sites « refuges » choisis par ces hommes et ces femmes. Ainsi se construit l’échange en arpentant les centres d’accueil pour les personnes exilées, la bibliothèque, la gare, les quais… sur un banc, autour d’une table, ou dans les transports en commun. (...)

L’expérience de l’exil, des récits singuliers
Au cours de ces temps de partage, d’écoute, ces hommes, ces femmes ont pleinement été pris en considération dans leur singularité. Au moment où les phénomènes migratoires ont atteint une ampleur inédite, où les médias n’évoquent les personnes en situation d’exil uniquement comme une masse, sous la forme de flux, de quotas ou en nombre de personnes disparues, l’individu semble devenir anonyme, voire invisible, réduit à des chiffres, désincarné.

Cette négation de l’individu finit par rendre l’échange illusoire, vain, inutile. « À force d’avoir trop intégré l’universalisme abstrait des Lumières, la philosophie occidentale est devenue incapable d’incarner une vision empathique du réel. » Hannah Arendt dans « Condition de l’Homme moderne ».

L’installation « Refuges » révèle avec pudeur le poids des histoires singulières. (...)

L’art de la rencontre, une justesse éthique
Chez Leila Sadel, la justesse n’est pas seulement visuelle, photographique, mais aussi éthique dans la manière de contourner l’écueil de la mise en spectacle des émotions. On perçoit l’attention simple et délicate qui est portée à chacun et qui transparaît dans la restitution. Le choix d’une articulation photographique et sonore, tout à la fois épurée, riche mais sans être exhaustive, laisse de l’espace à l’interprétation afin de nous inscrire dans un voyage pluriel, une fiction de la rencontre. (...)

Corps et gestes, champ et hors-champ
Lors de la présentation du projet, Leila Sadel a nommé publiquement, dans le silence du Musée d’Aquitaine, les prénoms de chacune des personnes migrantes, hommes et femmes ayant participé à ces temps d’échanges et qui étaient, pour la plupart, présents au vernissage de l’exposition. Un moment fort face à la déchirure, à l’exclusion vécue. Ce moment de re-connaissance dans l’écoute des prénoms nous a laissé imaginer des visages, des portraits. (...)