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Reporterre
Carnage d’amphibiens pour le Center Parcs de la Vienne
Article mis en ligne le 23 décembre 2013
dernière modification le 18 décembre 2013

Les amphibiens regroupent des espèces particulièrement menacées d’extinction. Mais à Center Parcs, dans la Vienne, le bureau "d’ingénierie écologique" Biotope en a tué un bon nombre. L’affaire agite les milieux naturalistes, alors que la construction du "village" urbanise un domaine forestier de 264 hectares.

Des pièges à batraciens abandonnés, des crapauds décimés, des amphibiens desséchés, des petits cadavres d’insectes -des carabes- accumulés, enfouis dans la poussière : c’est le spectacle désolant qu’a découvert, début septembre 2013, un chasseur dans la Vienne à Trois-Moutiers. Il participait à une battue de décantonnement destinée à débusquer le gros gibier avant la pose du grillage délimitant le futur parc de loisirs Center Parcs. Les photos prises ont depuis été colportées par les naturalistes de toute la France, effarés d’un tel carnage. Le but de ces pièges est en principe de capturer vivants des animaux et espèces protégées, pour les empêcher de pénétrer sur la zone du chantier en cours de Centre Parcs. (...)

Manifestement, les soixante seaux n’avaient pas été relevés tous les jours, comme ils auraient du l’être. Résultat : « Des milliers amphibiens morts liquéfiées ou desséchés dans les seaux », commentent les naturalistes. D’un seul de ces seaux délaissés ont été extraits soixante-onze cadavres de crapauds. (...)

En fait, les associations naturalistes travaillent souvent pour des aménageurs, ce qui leur permet de se financer. Vienne Nature et Ligue de protection des oiseaux (LPO) sont ainsi en concurrence avec Biotopope auprès de Center Parcs, et ne veulent pas mettre celui-ci en difficulté. Daniel Gilardot, président de la LPO en Vienne, indique ainsi que, « avec Center Parcs, on n’est pas sur l’étude de démarrage [confiée à Biotope], mais on sera dans le comité de suivi ». LPO et Vienne Nature ont aussi récupéré la gestion de l’observatoire de la biodiversité mis en place par Center Parcs, sur lequel lorgnait aussi Biotope.

Ces naturalistes auraient pu tiquer face à cette nature apprivoisée pour touristes. Ils devraient être outrés par une manière de faire bafouant la protection des espèces, leur valeurs de base. Mais ils sont dépendants de contrats… (...)

Pas plus que les associations environnementalistes, la fédération des chasseurs, qui a aussi une mission de défense de l’environnement, n’a porté plainte. Aucun chasseur n’a fait effectuer un constat d’huissier qui aurait pu être utile pour appuyer une procédure en justice.

Au titre des infractions, les naturalistes qui suivent à distance l’évolution de cette affaire épinglent au moins un non-respect des prescriptions de l’arrêté préfectoral de dérogation concernant les espèces protégées. (...)

Le bureau d’étude Biotope - déjà impliqué dans des procédures irrégulières à Notre Dame des Landes - a réagi par un communiqué à Reporterre, se félicitant de son « travail de qualité pour le transfert des amphibiens » dans le cadre de ce projet de Center Parcs, mentionnant un « incident certes regrettable mais qui ne remet absolument pas en cause l’efficacité de cette mesure mise en place en phase travaux ». Les couvercles des seaux auraient sauté pour une raison inconnue, ce qui a « conduit à piéger accidentellement quelques dizaines de crapauds, essentiellement des juvéniles, dans ces seaux ». Ce que le bureau d’étude juge « négligeable par rapport à la dynamique de population des amphibiens (…). Il ne s’agit ni d’un drame, ni du fruit d’un travail mal fait . Le professionnalisme de Biotope dans cette affaire n’a pas à être remis en cause ».

La justice tranchera, si l’instruction ne se perd pas dans les marais de l’oubli.