
« Quel citoyen accepterait de payer des cotisations à une association sans que celle-ci ne lui octroie le droit de vote, ne lui laisse la possibilité de participer aux choix d’orientations et d’accéder aux comptes ? » Autant de raisons qui ont conduit deux viticulteurs dans l’Aude, Philippe Quintilla et Pascal Pavie, à refuser de payer leurs « contributions volontaires obligatoires » (CVO), une cotisation qu’ils versent au Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc, considéré comme une association [1]. Car Philippe Quintilla et Pascal Pavie n’ont pas le droit de voter lors des assemblées générales, ni de se présenter, encore moins de disposer d’un rapport annuel et d’un bilan financier, comme tout adhérent à un conseil interprofessionnel. Seulement de payer.
Pire, leur conseil interprofessionnel leur réclame désormais leurs impayés (environ 1 200 euros à Philippe Quintilla et 3 800 euros à Pascal Pavie) ! Les deux viticulteurs devaient comparaitre devant les tribunaux d’instance de Narbonne et de Carcassonne les 18 et 19 novembre, mais leur procès a été une nouvelle fois reporté [2]. En Languedoc-Roussillon, 400 viticulteurs refuseraient de payer leur cotisation selon le journal La Dépêche.
« Il est difficile de savoir exactement combien de viticulteurs ne la paient pas, mais il y a une pression énorme pour qu’ils cèdent, précise Olivier Lozat de la Confédération paysanne de l’Aude à Basta !. Certains viticulteurs vont jusqu’à cesser d’être en AOC (appellation d’origine contrôlée, ndlr) pour ne plus avoir affaire au comité interprofessionnel. »
Dans le Languedoc, ce ne sont pas les cotisants qui siègent directement aux assemblées générales, mais des délégués désignés par leur syndicat professionnel. Pourtant, ailleurs, plusieurs associations interprofessionnelles, comme celle du Roquefort par exemple, « fonctionnent plutôt bien, de manière plus démocratique et collégiale ». (...)
« En France, les CVO n’ont rien de volontaires, rappelle l’eurodéputée Catherine Grèze. Quelle démocratie alors qu’aucune représentation n’est organisée et que les cotisants n’ont aucun droit de regard sur les décisions prises ? »
Ces cotisations sont en effet imposées à tous les acteurs agricoles (producteurs, transformateurs, négociants) par des organismes interprofessionnels correspondant à chaque secteur, autour d’un intérêt supposé commun. Or, les deux viticulteurs, soutenus dans leur démarche par la Confédération paysanne, fustigent la seule présence de la FNSEA, syndical agricole majoritaire, dans le Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc. Pour eux, cet argent servirait surtout l’export pour la promotion du vin, et non les circuits courts. Autrement dit, le négoce au détriment des viticulteurs.
« C’est un acte de désobéissance qui doit contraindre l’Etat à modifier le fonctionnement des interprofessions pour les rendre réellement pluralistes et qu’elles servent ainsi les intérêts de tous les paysans », souligne la Confédération paysanne. (...)
Ce procès intervient alors qu’un incendie d’origine criminelle a complètement détruit le 15 novembre la cave de Robert Curbières, responsable de la Confédération paysanne dans l’Aude. « Avec la rude bataille de Robert et son organisation syndicale contre les cotisations volontaires obligatoires, contre Monsanto, et la proximité du procès de Philippe Quintilla, il semblerait que des méthodes d’un autre temps soient utilisées… Le feu a détruit une partie de l’histoire, mais n’éteindra pas la flamme syndicale »
(...)