
Ce n’est qu’un paradoxe apparent : en pleine campagne officielle anticorruption, le pouvoir chinois a condamné dimanche à quatre ans de prison un des activistes les plus en vue de Chine, qui combattait lui aussi la corruption.
Le message est clair dans cette lourde condamnation : la lutte contre la corruption est l’affaire du Parti communiste lui-même, et pas de la société civile. Ce qui fixe les limites très étroites des réformes politiques de l’ère Xi Jinping, qui n’est pas prêt à remettre en cause le monopole du Parti.
Xu Zhiyong a été condamné officiellement pour avoir « réuni des foules pour perturber l’ordre social », au nom du Mouvement des nouveaux citoyens dont il est le fondateur. (...)
A 40 ans, Xu Zhiyong appartient à une nouvelle génération d’activistes chinois qui usent du droit pour faire évoluer la société chinoise. Je l’avais interviewé à Pékin il y a dix ans, alors qu’il tentait de faire valoir ses vues à l’intérieur du système, se présentant aux élections au parlement de la ville de Pékin.
Constatant qu’il n’arrivait pas à se faire entendre à l’intérieur, il a créé le Mouvement des nouveaux citoyens, organisation non-gouvernementale qui s’est vite heurtée à l’intolérance du pouvoir face à une société civile encore embryonnaire et fragile.
Il avait été arrêté une première fois pendant plusieurs semaines en 2009, puis condamné à une forte amende pour « fraude fiscale », le même prétexte employé contre l’artiste-activiste Ai Weiwei lors de son arrestation pendant trois mois en 2011. (...)
Xu Zhiyong a tenté de lire une longue plaidoirie personnelle au cours de son procès qui s’est tenu à huis clos. Mais le juge l’a interrompu au bout de dix minutes en estimant que ce n’était pas pertinent. Voici ses premières phrases qui résument l’enjeu, simple, à ses yeux :
« Vous m’avez accusé d’avoir perturbé l’ordre public en raison de mes efforts en faveur de l’égalité d’accès à l’éducation, pour permettre aux enfants de migrants de passer les examens d’entrée à l’université là où ils résident, et pour mes appels aux dirigeants pour qu’ils déclarent leurs avoirs.
Alors que, superficiellement, il pourrait s’agir d’un confllit entre le droit d’expression d’un citoyen et l’ordre public, il s’agit en fait de savoir si oui ou non vous reconnaissez les droits constitutionnels d’un citoyen.
A un niveau plus profond, il s’agit en fait de vos propres peurs :
– peur d’un procès public ;
– peur de la liberté des citoyens de pouvoir suivre un procès ;
– peur de voir mon nom apparaître en ligne ;
– peur de la société libre qui approche.
En tentant de réprimer le Mouvement des nouveaux citoyens, vous mettez des obstacles sur la voie de la Chine dans sa tentative de devenir une démocratie constitutionnelle par des voies pacifiques ».