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Craig Murray "24 janvier : Journée d’audition pour Assange OH MON DIEU, CELA NE FINIRA DONC JAMAIS !"
/Traduction de Toute la France avec Assange
Article mis en ligne le 25 janvier 2022

C’est comme un cauchemar récurrent. Dans le tristement mal nommé train de nuit, une fois de plus, direction Londres et les cours royales de justice pour entendre un énième jugement. Julian n’est pas présent au tribunal et n’est pas en bonne santé ; Stella se bat, mais se bat aussi pour préserver sa santé ; #GarethPeirce est toujours aussi calme et irréductible ; mes amis de #Wikileaks rassemblent des ressources juridiques et médiatiques, et se montrent résolus et enjoués.

Le Lord Chief Justice d’Angleterre et du Pays de Galles, #IanDuncanBurnett, est exactement le genre d’homme que l’on voudrait voir jouer le rôle dans une production d’opéra comique. Costaud, avec un large visage ouvert couronné de cheveux blancs, il respire la solidité, la bonhommie et l’autorité naturelle. On s’attend à ce qu’il prononce son jugement, puis qu’il se rende chez Simpson’s pour déguster quelques tranches épaisses d’aloyau rôti et un verre de Bordeaux. Je ne dis pas cela comme une critique ; moi-même, je ne connais rien de mieux.

Le Lord Chief Justice n’a pas seulement son propre bureau, il n’a pas seulement le plus beau costume ridicule écarlate que vous puissiez imaginer, il a sa propre cour. Et quelle cour ! Des hectares de bois poli, plus grands que certains théâtres ; des galeries et des étages, des murs à tous les niveaux tapissés de milliers et de milliers de livres de droit aux reliures exquises, protégés par des portes vitrées que je soupçonne fortement de n’être ouvertes que pour ajouter un autre livre destiné à passer sa vie naturelle là-dedans sans être visité, sans possibilité de libération conditionnelle.

Le Lord Chief Justice occupe un rang très élevé, de sorte que vous devez tous lever les yeux vers lui ; une construction faite de plusieurs tonnes d’acajou, qui semble devoir être ornée de palmiers en pot, avec des serveurs moustachus en veste blanche moulante qui entrent et sortent de ses divers escaliers et entrées portant des plateaux d’argent, et abriter un quatuor à cordes dans un coin. La rumeur veut qu’il y ait en fait un quatuor à cordes dans un coin, qui essaie de sortir depuis 1852.

Le Lord Chief Justice se matérialise soudainement depuis son entrée derrière son bureau, bien au-dessus de nous, pour ne pas avoir à monter sur l’acajou et risquer de trébucher sur sa draperie de velours écarlate. J’aime à imaginer qu’il a été élevé au niveau requis dans les coulisses par un système de cordes et de poulies actionné par des matelots poilus. À côté de lui, mais un peu en retrait, se trouve le juge #Holroyde, qui a rendu le jugement faisant l’objet de l’appel, et qui, aujourd’hui, a l’air encore plus suffisant et oléagineux dans la lueur reflétée par son imposant compagnon.

L’apparition a duré deux minutes. Burnett nous a dit que la Cour a certifié, comme étant une question d’intérêt public général, la question de savoir si les "garanties diplomatiques" qui n’ont pas été soumises lors de l’audience de fond peuvent être soumises au stade de l’appel. Elle n’a pas certifié les autres points soulevés et a refusé l’autorisation de faire appel devant la Cour suprême.

Vous pouvez ignorer la dernière phrase : il est habituel que la High Court refuse l’autorisation de faire appel ; avec cette certification d’intérêt public, Julian peut maintenant faire appel directement à la Cour suprême qui décidera d’accepter ou non l’affaire. Le refus par la High Court est un pur signe de déférence envers la Cour suprême, qui décide elle-même de la décision à prendre. Pour les avocats, cela signifie que

"la Cour suprême dîne à la carte".

Certains des points de l’appel que la High Court a refusé de certifier comme défendables et d’intérêt public général étaient importants. L’un d’entre eux était que les #garanties diplomatiques données par les États-Unis promettaient de ne pas s’engager dans certaines pratiques illégales assimilables à de la torture, mais qu’elles étaient subordonnées au comportement futur d’Assange.

Or, le traitement légalement interdit de prisonniers ne devient pas légal si le prisonnier se comporte mal. Cela aurait dû être un argument irréfutable, même sans le fait que la décision sur le comportement futur d’Assange serait prise précisément par les mêmes autorités qui ont comploté pour le kidnapper ou l’assassiner.
Tout cela n’a pas été certifié comme un point de droit défendable d’intérêt public général.

Ce qui est certifié et va de l’avant est la simple question de savoir si les garanties diplomatiques ont été communiquées trop tard. De manière assez particulière, le jugement de la High Court dans l’affaire Burnett et Holroyde, contre lequel Julian a demandé l’autorisation de faire appel, reproche à la magistrate chargée de l’extradition, #Vanessa Baraitser, de ne pas avoir demandé aux États-Unis de lui fournir des garanties diplomatiques plus tôt.

La doctrine selon laquelle un juge devrait suggérer aux avocats d’une partie des points utiles pour renforcer leurs arguments contre l’autre partie est totalement inédite en droit anglais. Les États-Unis auraient pu soumettre leur note diplomatique à n’importe quel stade, mais ils ont choisi de ne pas le faire, afin de voir s’ils pouvaient s’en tirer sans aucun engagement quant au traitement réservé à Assange. Ils n’ont soumis une note diplomatique qu’après avoir perdu l’affaire initiale. Ce n’était pas à Baraitser de leur demander de le faire plus tôt, et cette suggestion est un plaidoyer extraordinairement ridicule de la part de Burnett.

C’est plus qu’un simple point de procédure. Si les garanties avaient été soumises au tribunal de première instance, leur valeur aurait pu être contestée par la défense d’Assange. La nature auto-annulante des conditions contenues dans les garanties elles-mêmes aurait pu être explorée, et le long passé des États-Unis en matière de non-respect de ces garanties aurait pu être discuté.
En les introduisant seulement au stade de l’appel, les États-Unis ont échappé à tout examen de leur validité.

Cela a été confirmé par le jugement d’aujourd’hui. Les questions de la viabilité des engagements qui, entre autres, font de la torture une option future, ont été jugées non défendables en appel.
Ainsi, le point certifié, à savoir si les engagements peuvent être soumis au stade de l’appel, n’est pas seulement une question de calendrier et de délais, il s’agit de savoir si les engagements doivent être examinés ou non.

Cependant, cela ne semble pas être un point substantiel. Il s’agit plutôt d’un point technique sur le calendrier et les délais. C’est très important, car il s’agit peut-être de l’écran derrière lequel l’Establishment britannique se glisse lentement vers la sortie. Lord Burnett cherchait-il à sortir de cette affaire par une des portes dérobées au fond du dossier ?

Si l’un des autres points avait été certifié, le tribunal aurait discuté en détail du penchant des États-Unis pour la #torture, de leurs conditions de détention épouvantables, et de leur longue histoire de mauvaise foi (aux États-Unis, il est admis que les autorités nationales ne sont pas liées par assurance, engagement ou même traité conclu avec des gouvernements étrangers). Pour la Cour suprême, refuser l’extradition d’Assange pour l’un de ces motifs serait une accusation officielle contre l’intégrité des États-Unis, et donc diplomatiquement difficile.

Mais la Cour suprême peut refuser l’extradition sur le seul point certifié par la High Court, et cela peut être présenté comme n’ayant rien à voir avec quoi que ce soit de négatif à propos des États-Unis et de leur gouvernance, purement une question technique de délai non respecté. Toutes mes excuses, ne vous en faites pas, mon vieux, et allons boire du Bordeaux chez Simpson.

Y a-t-il vraiment une fin en vue pour Julian ? L’Establishment britannique se dirige-t-il tranquillement vers la sortie ?