
Dans l’Aveyron, les élus confient la gestion des déchets à une entreprise privée plutôt que réfléchir collectivement à leur réduction. Prévu sur d’anciennes terres industrielles en partie dépolluées, le projet de centre de tri et de stockage suscite la résistance des habitants.
« Le casse-tête des ordures ménagères dans l’Aveyron. » C’est devenu un marronnier de la presse locale, un sujet dont on parle depuis quinze ans sans trouver de solution. Le problème ? « L’acceptabilité sociale » et la « fronde des territoires » qui ont « tué dans l’œuf tous les projets initiés par le [Syndicat départemental des ordures ménagères] Sydom », explique ce dernier dans sa communication. En clair, personne n’a envie de sacrifier des terres agricoles pour y mettre des ordures.
En 2010 a fermé la dernière décharge à ciel ouvert du département. Dans l’urgence, une convention a été signée pour dix ans avec Tryfil, le syndicat départemental du Tarn, qui traite 60.000 tonnes de déchets aveyronnais par an. Mais que faire après 2020 ? C’est là que surgit face au vent malodorant ce que beaucoup d’élus voient comme LA meilleure solution : Solution environnement Aveyron, ou Solena, une société privée née de la rencontre entre une entreprise aveyronnaise de travaux publics, Sévigné TP, et un poids lourd de la gestion des déchets, Séché environnement. Son projet ? Un « pôle de valorisation et de production de ressources ». (...)
Si l’entreprise se veut vertueuse, un journal indépendant aveyronnais, L’Empaillé, a recensé ce qu’il s’était passé dans les autres décharges gérées par Séché. Et le résultat n’est pas brillant : incendies, en Alsace notamment sur le site de déchets dangereux Stocamine, pollutions des eaux aux PCB dans le Rhône… Surtout, c’est le site choisi par l’entreprise qui pose problème : l’Igue-du-Mas, une ancienne décharge des résidus de production de zinc de l’entreprise Umicore (...)
même après trois ans de travaux, la dépollution est loin d’être complète. Le crassier où se situera la nouvelle usine est toujours là et toujours aussi pollué. Dans toute la commune, on évite de consommer les produits du jardin ou l’eau naturelle. En 2008, l’Institut de veille sanitaire (INVS) a lancé une étude, toujours en cours, de la population pour connaître son imprégnation aux métaux lourds et les maladies qui y seraient liées.
En contrepartie des travaux, Séché acquiert les terrains. Christophe Calvez, responsable de l’opération dans l’entreprise de dépollution y voit l’occasion de « faire vivre ce terrain au lieu de le laisser à l’abandon comme tant de friches industrielles ».
La rencontre de Séché environnement avec Sévigné TP a donc scellé la naissance du projet Solena. Ce n’est que fin 2016 que les premiers éléments du projet ont été présentés dans la presse locale. Aussitôt, une opposition a surgi. « Comment peuvent-ils construire une nouvelle usine alors que les dégâts de l’ancienne n’ont pas été complètement traités, s’indigne Jean-Louis Calmettes, élu EELV à la mairie de Decazeville. Il ne s’agit pas simplement de dire que nous sommes contre cela ici, mais de poser la problématique générale de la production et la gestion des déchets ménagers. » Depuis six mois, la mobilisation prend forme avec l’association Adeba (Association de défense environnementale du bassin et des alentours). Elle compte aujourd’hui deux cents adhérents et une pétition en ligne a recueilli près de 5.000 signatures. Le 22 avril dernier, une première manifestation rassemblait plus de 500 personnes « contre le projet Solena, pour des alternatives ». (...)