
La déclaration commune des présidents chinois et français, ce lundi 2 novembre, a été saluée par François Hollande comme un « pas majeur » vers un accord « désormais possible ». La lecture du texte incite à beaucoup plus de prudence. Par contre 22 milliards de contrat sur le nucléaire !
contraignant » à la COP21 (lire la déclaration ici). Pour Ségolène Royal, du voyage en Chine, la déclaration franco-chinoise est « un engagement solide, ambitieux & porteur d’espoir ». A moins de quatre semaine de l’ouverture de la COP21, les superlatifs sont de sortie comme en témoigne Laurence Tubiana, en charge des négociations pour la France, qui salue rien de moins qu’un « moment historique » et « un coup d’accélérateur » en vue de la Conférence de décembre. Qu’en est-il ?
Rappelons tout d’abord que ce texte n’est qu’une déclaration conjointe, entre deux présidents, comme il en existe de très nombreuses, sur de très nombreux sujets, et qu’elles n’ont pas de statut contraignant. Les engagements énoncés n’ont guère plus de valeur que des déclarations politiques traditionnelles. Qui se souvient qu’il existe « un partenariat bilatéral » entre la France et la Chine qui a été établi dans une Déclaration commune datant de 2007 ? S’il ne faut pas minorer la portée d’une telle déclaration – ce n’est pas tous les matins que nous avons des déclarations présidentielles conjointes portant sur le défi climatique – il est important de ne pas la surestimer non plus.
Contraignant ?
Selon les media, la France et la Chine s’engageraient pour « un accord contraignant » à la COP21. Que dit le texte ? Il rappelle le mandat de Durban qui fixe les objectifs de Paris, à savoir obtenir « un protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique, applicable à toutes les Parties ». Rien de nouveau. Il est ajouté que les deux présidents disent « renforcer leur détermination » afin de « parvenir à un accord de Paris (...) juridiquement contraignant ». Il n’est pas précisé sur quoi porte le caractère « contraignant » de l’accord – pas plus que la façon dont cette contrainte pourrait s’exercer. Difficile d’en savoir plus parce que c’est la seule occurrence du terme tout au long des 21 paragraphes. Par contre le texte regorge de références sur le fait que les objectifs sont déterminés au niveau national et non pas au niveau international.
Ambitieux ? Non, abandon des 2°C pour Paris !
Dans ce même paragraphe 2, il est écrit que cet accord doit-être « ambitieux ». Néanmoins les deux présidents reconnaissent qu’il ne respectera pas l’objectif des 2°C : cet objectif, loin d’être la pierre angulaire de l’accord, ne doit être que « gardé à l’esprit ». Cette formulation, qui peut passer inaperçue lors d’une première lecture, est en fait une façon clairement assumée de reconnaître l’incapacité des Etats à respecter le mandat assigné pour Paris (...)
Les deux présidents se sont donc engagés à ce qu’une étude soit faite tous les cinq ans, sans que l’on sache qui la conduira et comment elle pourrait être utilisée ; s’ils proposent que les résultats de cette étude soient utilisés pour « renforcer leurs actions », c’est le flou qui demeure. Des actions qui resteront déterminées « au niveau national », ie sans contrainte internationale. Résultat : le texte ne propose aucun mécanisme de révision des engagements nationaux qui soit systématique, à la hausse, basé sur les données scientifiques et de nature à réduire le décalage entre le réel (3°C ou plus) et le souhaitable (2°C ou moins), tel que le souhaitent les ONG, associations et syndicats.
Croissance ou climat ?
François Hollande et XI Jinping écrivent qu’ils veulent « orienter l’économie mondiale sur la voie d’une réduction des émissions de carbone durant ce siècle » mais c’est à la condition que ce soit « à un rythme compatible avec une croissance économique forte » (paragraphe 4). Or, en moyenne, un point de PIB supplémentaire implique toujours 0,6 point d’augmentation de la consommation d’énergie fossile. Conditionner la réduction d’émissions à de forts taux de croissance économique revient donc à s’engager à augmenter fortement les émissions de gaz à effet de serre dans les années à venir et … à parier que de nouvelles technologies, un jour, puissent satisfaire ce mythe du découplage absolu entre croissance et émissions jamais observé. (...)
Soutien aux marchés carbone – rien de contraignant sur les fossiles
Si le terme « contraignant » n’apparait qu’à une seule reprise dans le texte, celui de « marchés carbone » apparaît deux fois. Les deux présidents se félicitent d’abord du « développement d’un marché national du carbone en Chine » (paragraphe 13) puis ils affirment que le G20 a un rôle à jouer pour « promouvoir (…) les mécanismes du marché du carbone » (paragraphe 21). C’est dans ce même paragraphe que sont évoquées les subventions aux combustibles fossiles, dont il est dit que le G20 doit agir pour les éliminer « progressivement ». On a connu formule plus déterminée et engageante.
Vive le nucléaire !
Peut-être était-ce le véritable objectif du déplacement de François Hollande en Chine. Un accord de coopération industrielle sur le recyclage des déchets nucléaires a été signé qui pourrrait se monnayer autour de 20 milliards d’euros. Une majorité du marché pourrait être pris par Areva, dont l’action s’est immédiatement appréciée en bourse (voir la dépêche de Bloomberg).