Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, des ordonnances visent à rompre avec le modèle médiatique capitaliste en limitant la possibilité de posséder plusieurs journaux. Une volonté rapidement contournée.
L ’appétit de l’argent et l’indifférence aux choses de la grandeur avaient opéré en même temps pour donner à la France une presse qui, à de rares exceptions près, n’avait d’autre but que de grandir la puissance de quelques-uns et d’autre effet que d’avilir la moralité de tous. Il n’a donc pas été difficile à cette presse de devenir ce qu’elle a été de 1940 à 1944, c’est-à-dire la honte du pays. » Albert Camus publie ces lignes dans Combat, le 31 août 1944, quelques jours seulement après la diffusion des ordonnances qui restructurent la presse française à la Libération. (...)
Depuis les débuts de la IIIe République, la presse est appelée à jouer un rôle clé au cœur de l’espace public : il lui revient d’éclairer les électeurs et d’informer les élus sur la vie de leurs administrés. C’est pour lui assurer cette place centrale dans le fonctionnement démocratique qu’est votée la loi du 29 juillet 1881, accordant une très grande liberté aux journaux. La contrepartie de cette liberté est une responsabilité collective de la presse. Si c’est parfois par la violence de l’invective (pendant l’affaire Dreyfus ou dans les années 1930 par exemple) que les journaux trahissent cette confiance, c’est le plus souvent la question de leur propriété qui entrave le pluralisme. (...)
En cette fin de XIXe siècle, la financiarisation des entreprises de presse est déjà une réalité : les industriels ont massivement investi dans le secteur, constitué d’entreprises capitalistes très rentables. (...)
Pendant l’Occupation, le contrôle exercé par les Allemands passe bien sûr par une censure des écrits, sous l’égide de la Propaganda-Abteilung. Mais ce contrôle est aussi orchestré par la concentration des journaux, à travers le trust Hibbelen, qui, directement dépendant de Goebbels, détient plus de la moitié des titres parisiens.
De fait, l’épuration qui se met en place au cours de l’été 1944 touche les titres (tous ceux qui ont continué à paraître sous contrôle allemand sont interdits) et les hommes (réattribution de toutes les cartes de presse). Parallèlement, la refondation du paysage médiatique veut instaurer une rupture avec le modèle de la presse capitaliste, dont la crise a révélé les faiblesses. (...)
La question de la place et du rôle des propriétaires de journaux dans ce nouveau paysage médiatique se pose rapidement. (...)
La question de la place et du rôle des propriétaires de journaux dans ce nouveau paysage médiatique se pose rapidement. (...)
Rapidement, concentrations et influences reprennent le dessus. Mais cela nous permet de nous rappeler que ce fut possible, que ça l’est encore.