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France Terre d’ Asile
Egypte : Les Syriens contraints de quitter le territoire
Article mis en ligne le 21 décembre 2013
dernière modification le 17 décembre 2013

Accueillis comme des frères à partir de 2012, les Syriens sont désormais la cible de campagnes de dénigrement qui les forcent à quitter l’Égypte. Le mouvement a pris de l’ampleur depuis la destitution du président Mohamed Morsi le 3 juillet dernier. Il s’était saisi du dossier syrien dès sa prise de fonction.

L’accueil qui leur avait été réservé avait éveillé la jalousie des autres réfugiés. Mais il ne fait plus bon être Syrien en Égypte, surtout depuis cet été.

Les Palestiniens ont bien connu ce revirement de l’État et des Égyptiens à leur égard. Eux aussi avaient été accueillis quasiment comme les égaux des Égyptiens au nom du panarabisme cher au président Gamal Abdel Nasser. Cet âge d’or a brusquement pris fin en février 1978, lorsque le ministre égyptien de la culture est assassiné à Chypre par le groupe Abou Nidal. Le revirement politique est brutal. Traités d’ingrats par la presse, ils perdent tous leurs droits. Et jusqu’à présent, l’Égypte s’oppose catégoriquement à l’enregistrement des Palestiniens auprès du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR). Ne pas bénéficier du statut de réfugiés n’avait que peu d’importance dans un pays qui leur donnait les mêmes droits qu’aux nationaux, mais dans l’Égypte actuelle, cela plonge les Palestiniens dans une situation encore plus désespérée que celle des autres réfugiés. (...)

De l’accueil au rejet

Les premiers réfugiés syriens commencent à arriver en Égypte au début de l’année 2012. Il s’agit d’abord des plus nantis. Ils ont les moyens de s’installer dans des logements corrects et certains réussissent à relancer une affaire avec l’argent qu’ils sont parvenus à emmener avec eux. À partir de mi-2012, des Syriens plus pauvres arrivent par milliers. Dans une Égypte qui a fait sa révolution et qui a réussi à changer de régime, ils sont très bien reçus : compte tenu de la situation et du massacre en cours dans leur pays, beaucoup d’Égyptiens considèrent que la moindre des choses est de leur réserver un accueil chaleureux. Ils n’ont plus besoin de visa et le président Morsi leur octroie l’accès aux soins et à l’éducation. L’aide financière afflue des pays du Golfe, de la diaspora, des Syriens déjà sur place et des Égyptiens eux-mêmes. Des organisations non gouvernementales opèrent dans la Ville du 6 octobre, rebaptisée « la Petite Damas », dont les deux plus importantes du pays, El-Gamiyya El-Sharyeh (tendance salafiste) et Family House NGO. Les Syriens s’intègrent facilement, ouvrent commerces et restaurants, mais restent reconnaissables à leur teint, à leur accent et à la façon dont s’habillent les femmes.

À partir du printemps 2013, avant même la destitution de Morsi, l’idylle entre les Syriens et les Égyptiens commence à s’altérer. Depuis plus de deux ans, la vie du pays est rythmée par des manifestations exprimant des revendications politiques, mais aussi sociales. Tour à tour, des employés et des ouvriers réclament plus de droits et des salaires décents. La rumeur fait rapidement des Syriens des employés modèles acceptant de travailler pour des salaires dérisoires, ce qui mettrait au chômage les Égyptiens plus revendicatifs. Les femmes se plaignent qu’elles ne trouveront pas de mari parce que les Égyptiens leur préfèrent des Syriennes, moins exigeantes quant au montant de leur dot et plus dociles. Des imams encouragent les hommes à « contribuer au djihad » en épousant des Syriennes. Des familles syriennes disent être harcelées par des Égyptiens cherchant à épouser leurs filles. Des institutions religieuses, dont la très respectée Al-Hosari, sont accusées de jouer les entremetteuses. Al-Ahram, journal d’État, se fend d’une enquête afin de démentir l’implication des organisations musulmanes. Un cheikh, accusé de proposer des fiancées syriennes, nie en bloc et affirme que tout cela n’est qu’une tentative de plus pour salir les islamistes, à l’heure où de fausses rumeurs sont savamment alimentées pour nuire au pouvoir en place.

Des réfugiés en danger

Pour les Syriens, la vraie rupture a lieu après que l’armée a pris le contrôle du pays. Début juillet, des heurts violents opposent pro et anti-Morsi. La police affirme détenir un Syrien qui dit avoir été payé par la Confrérie des Frères musulmans pour tirer sur les opposants de Morsi. Des Palestiniens seraient également impliqués. Les Syriens sont accusés d’être des djihadistes. Un déferlement de haine et de xénophobie se répand. (...)

Depuis cet été, l’Égypte a emprisonné plus de 1500 réfugiés, dont 400 Palestiniens et 250 enfants. La justice a ordonné leur relaxe, mais la Sécurité nationale s’y oppose. Elle a enjoint la police à les garder en détention jusqu’à ce qu’ils acceptent de quitter le pays à leurs frais.
(...)

Fin novembre 2013, 128 967 Syriens sont sous la responsabilité du HCR en Égypte. Le nombre de réfugiés a été multiplié par cinq en à peine plus d’un an. Ils seraient 300 000 sur le territoire égyptien d’après les autorités égyptiennes. C’est la pire crise de réfugiés qu’ait jamais traversée le pays.