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En Corée du sud, un projet de croissance verte conduit à un désastre écologique
Article mis en ligne le 4 février 2014
dernière modification le 31 janvier 2014

L’ancien président sud-coréen a lancé l’aménagement des quatre principaux fleuves du pays – Nak-dong, Han, Keum et Yeong-san. L’idée du démiurge sud-coréen était de doper la croissance économique nationale tout en régénérant l’environnement. Achevé en octobre 2011, le projet des « Quatre Fleuves » s’avère un désastre écologique.

Le projet rencontra la vive opposition de la majorité de sa population – quelque 400 associations écologistes et citoyennes avaient engagé une action en justice dès 2010 pour stopper le projet –, de l’Église catholique (la Corée du Sud est l’un des pays d’Asie les plus chrétiens), et des autorités religieuses protestantes et bouddhistes (ordre Jogye). Un moine bouddhiste s’était même immolé par le feu sur les rives du Nak-dong, le 31 mai 2009, laissant une lettre adressée au président sud-coréen lui demandant d’« arrêter sans délai » le projet attentatoire à la vie des fleuves. Mais Lee Myung-bak (Parti Saenuri, conservateur) a réussi durant son mandat, de 2008 à 2013, à marqué le territoire sud-coréen de son empreinte.

Après avoir dû renoncer à la construction d’un canal traversant le pays du nord au sud sur 420 kilomètres, entre Séoul et Busan, celui que les Sud-Coréens ont surnommé « le Bulldozer » a lancé en 2009 le projet des « Quatre Fleuves » (Sadaegang) : la construction de seize barrages et retenues d’eau sur les fleuves Nak-dong – le plus long de Corée du Sud (525 km) –, Han (514 km), Keum (395 km) et Yeong-san (115 km). Ce projet comprend également la rénovation de cours d’eau, dont certains sont des affluents des quatre fleuves. (...)

Le chantier devait être l’emblème de la « croissance verte » sud-coréenne. Résultat ? Problèmes environnementaux graves, défauts de construction et importants surcoûts, sur fond de soupçons de corruption. Le coût final atteint environ seize milliards d’euros (22 200 milliards de wons), alors que le budget initial s’élevait à huit milliards d’euros. (...)

Après aménagement, les quatre fleuves sont comme des cicatrices dans le paysage sud-coréen. Alors que leur lit dessinait auparavant des courbes naturelles, il suit désormais les tracés conçus par les ingénieurs, au prix de la destruction irréversible des écosystèmes locaux, de la faune et de la flore.

Des poissons sont morts par dizaines (photo du chapô) et des plantes aquatiques ont été dévastées lors du dragage des 523 millions de m3 de sédiments pour approfondir les cours d’eau. En outre, des phénomènes de re-sédimentation ont été observés au niveau de certaines retenues d’eau. Conséquence : des opérations de drainage, coûteuses, doivent être effectuées plus fréquemment que prévu.

Autre défaut majeur du projet : la construction des seize barrages aurait été bâclée. Quinze d’entre eux présentent des « signes de faiblesse », comme des fissures sur certains ouvrages en béton, qu’il faudra à terme réparer. Sans compter l’érosion des sols qui menace désormais leur solidité. L’existence de ces barrages a eu par ailleurs pour effet de détériorer la qualité de l’eau des fleuves en ralentissant son écoulement naturel.

L’eau stagnante, peu oxygénée, s’est vite révélée un milieu propice à la prolifération d’algues vertes (...)

Alors que ce programme est aujourd’hui achevé, une commission d’enquête portant sur les dérives de ce projet pharaonique vient d’être lancée par le gouvernement de l’actuelle présidente, Park Geun-hye (Parti Saenuri). Une enquête judiciaire est également en cours. Elle devra indiquer s’il y a eu collusion, ou non, avec des entreprises de BTP sud-coréennes dans l’attribution des marchés. Des filiales des conglomérats (chaebols) Hyundai, Posco et Samsung, desquelles l’ancien président est proche (il a été président de Hyundai Construction de 1988 à 1992) sont concernées. (...)