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Street Press
En prison les détenus ont faim et les inégalités persistent
#Prisons #France #inegalites #faim
Article mis en ligne le 24 mars 2023
dernière modification le 23 mars 2023

Comment mange-t-on derrière les barreaux ? Dans son livre Surveiller et nourrir, la journaliste Lucie Inland raconte l’histoire de la prison et de la répression à travers le prisme de la nourriture.

« Déjà à l’époque du bagne, on racontait que les prisonniers allaient bronzer sous les cocotiers », lance la journaliste Lucie Inland. Dans son livre, « Surveiller et nourrir, comprendre ce que la prison a dans le ventre », sorti ce 22 mars aux éditions Nouriturfu, elle raconte les préjugés passés – et ceux qui persistent encore – sur le milieu carcéral. « On entend encore souvent que la prison serait le Club Med’ et que les détenus seraient nourris, logés, blanchis », poursuit la journaliste indépendante, qui travaille pour les médias Slate ou StreetPress. Dans son essai, elle retrace une partie de l’histoire des premières prisons et de leurs premiers repas. Du pain, de l’eau, parfois de la soupe. Et dénonce aujourd’hui des manquements encore présents, avec des détenus qui ont faim. (...)

En France, il y a deux repas par jour qui sont distribués en cellule : on appelle ça la « gamelle ». Il y a aussi un petit-déjeuner, mais qui ressemble plus à un demi-repas. La distribution est à 11h30 pour le déjeuner, et 17h30 pour le dîner. Le pain est distribué la veille pour le petit-déjeuner du lendemain qui est à 7h30. Il a aussi une boisson chaude et de quoi tartiner son pain.

Sur la question des horaires, il y a un décalage entre le dîner à 17h30 et le petit-déjeuner. J’espère que ça évoluera : ça fait trop long entre deux repas et c’est un peu compliqué à tenir.

Est-ce que les repas sont gratuits pour les détenus ?

La « gamelle » est prise en charge, mais reste souvent insuffisante. À côté, il y a ce qu’on appelle la « cantine ». C’est tout ce que tu achètes au magasin interne à la prison. Et les tarifs sont encore plus élevés qu’à l’extérieur. Cuisiner n’est pas gratuit non plus. Il faut acheter les aliments, mais aussi les ustensiles, les plaques… Pour avoir un frigo, il faut le louer.

Même si on prend en compte les frais de fonctionnement, ces très hauts tarifs sont difficiles à justifier (...)

Dans ton essai, tu parles aussi de la place des prestataires privés pour les repas. Qu’est-ce que cela change dans la qualité ? (...)

C’est plus compliqué quand il y a une prise en charge privée. [Environ 50 pourcents des personnes détenues se trouvent dans une prison « semi-privée », NDLR] Comme toute entreprise, c’est la logique de rentabilité qui prévaut. (...)

Aujourd’hui, en 2023, quand on est détenu dans une prison française, est-ce qu’on mange bien ?

Les personnes avec lesquelles j’ai discuté expliquent que la gamelle ne suffit pas, si on n’a pas de quoi compléter. Il y a aussi des disparités d’un centre pénitentiaire à l’autre. (...)

Quelles sont les conséquences de ces inégalités d’accès à une bonne alimentation en prison ?

Avec des moyens, on est moins isolés. Alors que les indigents [les personnes pauvres en prison] sont mal vus et plus ciblés par des brimades ou des chantages. C’est aussi un amplificateur dans les violences carcérales. Il y a du chantage entre les détenus ou avec leur entourage. Ça peut être de devoir faire passer de la contrebande, de la drogue… Et puis il y a les cas extrêmes de violences sexuelles. Tout ce qui est pression en tout genre.

Il y a également les problèmes sur la santé. (...)

Tu expliques aussi que mal manger en prison est encore vu comme faisant partie de la peine et de la punition ? Comment tu expliques cela ?

Si tu es en prison, c’est que tu as fait de la merde. Et si tu as fait de la merde, il ne faut pas trop en demander. Il y a cette idée qu’il ne faut pas se plaindre parce que tu serais : « Logé, nourris, blanchis aux frais de l’Etat ». Et qu’on ne va pas non plus leur donner de droits à ces gens-là.

Et il y a encore la vision du repas de pénitence : du pain sec et de l’eau. Il y a aussi cette idée qu’il ne faudrait pas que la population carcérale vive mieux que la population générale. Mais la prison est l’application d’une peine. Ce n’est pas un châtiment en plus du fait d’être enfermé pendant une certaine période. Les détenus sont sous la responsabilité de l’Etat. Et c’est indigne de les laisser crever de faim. (...)

Lire aussi :

(Actualitté)
Surveiller et Nourrir. Comprendre ce que la prison a dans le ventre.
Lucie Inland

Depuis la geôle du marquis de Sade embastillé, pestant contre " des plats dont le diable ne mangerait pas ", jusqu’aux aux repas quotidiens des personnes actuellement privées de liberté, la question de l’alimentation en prison reflète notre organisation sociale et révèle ses dysfonctionnements. Ce livre interroge ce que les détenus trouvent dans leur assiette, qui le décide, pourquoi et comment, en France mais aussi aux Etats-Unis, pays dont la population carcérale est la plus importante au monde ? (...)