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Hôtellerie-restauration : les omissions des négociations salariales
/Mezian
Article mis en ligne le 19 décembre 2021

Les négociations syndicales sur la revalorisation des salaires dans l’hôtellerie-restauration ne font que mettre un peu plus en lumière la médiocrité des rémunérations dans ce secteur. Violence multiforme et violation massive du droit du travail expliquent aussi la désaffection du personnel relevée par l’étude de la Dares largement reprise par la presse.

Ayant effectué une reconversion en cuisine il y a 3 ans, c’est une réalité que je vis maintenant. A l’inverse, ces laborieuses discussions contribuent à maintenir dans l’ombre d’autres problèmes structurels qui affectent la restauration commerciale, domaine dont il est exclusivement question ici. Confronté à mon expérience, ce qui est en négociation est important bien-sûr. Cependant, cela me semble beaucoup trop limité notamment pour répondre à la désaffection des salariés relevée par le très médiatisé rapport de la Dares1. En effet, le processus en cours évite soigneusement de parler de sujets graves que beaucoup, dans la profession ou au gouvernement, préfèrent ignorer.

J’assiste depuis 3 ans au non respect massif du droit du travail. A un point tel qu’il semble intégré au fonctionnement du secteur. Notez bien ! Je ne parle pas de situations exceptionnelles ou de « dérogations » qui pourraient sembler mineures rapportées au cadre légal en vigueur. Les faits rapportés ont été très majoritairement constatés dans plusieurs établissements. Une exception notable : le versement d’un salaire que je n’ai obtenu qu’après l’envoi d’une lettre recommandée en refusant de surcroît un paiement « au noir » lors de la « régularisation ».

Ainsi, il m’est arrivé : de travailler plus que la durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, respectivement 11h et 48h (maximale absolue) ; d’effectuer des heures supplémentaires non rémunérées, parfois jusqu’à 10 heures par semaine ; de disposer d’un temps de repos inférieur au minimum légal soit 11h entre deux jours de travail… Je n’étais pas le seul concerné, évidemment. Et que penser des infractions relatives au travail des mineurs, d’autant que celles-là non plus ne sont pas fortuites. Elles répondent aux impératifs d’une profession qui paraît s’affranchir de la législation, sans grandes conséquences apparemment. (...)

Quant aux comportements « de la hiérarchie » en cuisine, nous restons sur des arômes de 19eme siècle : agressions verbales (insultes, humiliations), menaces physiques (« je me sens devenir violent » me dit un jour un chef). Ce que j’ai vu et entendu montrent qu’un sérieux problème demeure, contrairement à ce que le discours lénifiant de la profession voudrait faire croire. Les arrière-cuisines bruissent de la mauvaise réputation de beaucoup de chefs (...)

Une simple revalorisation salariale restera sans effet sur l’attractivité du métier de cuisinier si elle ne s’accompagne pas de plus respect pour les personnes et pour le droit du travail (ce métier doit par ailleurs se réinventer2 pour enfin faire face aux enjeux majeurs actuels notamment écologiques). Certes, une amélioration de l’organisation du travail aiderait (travail fractionné ou du week-end), mais il est urgent de faire évoluer un modèle économique et social qui repose sur une violation quasi systémique des droits des salariés.