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Slate.fr
Kenya : malgré les défis, les contre-pouvoirs se consolident
Article mis en ligne le 10 septembre 2017
dernière modification le 8 septembre 2017

L’invalidation il y a une semaine de l’élection présidentielle au Kenya par la Cour suprême s’inscrit dans un contexte d’affermissement des contre-pouvoirs dans ce pays, que la Constitution progressiste de 2010 a consolidés malgré des défis persistants.

"La société civile kényane est plus robuste et plus dynamique que de nombreuses autres dans la région et cela vient vraiment de la lutte pour le multipartisme au Kenya (1992)", résume Sarah Jackson, directrice adjointe du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est.

En 2007-2008, durant les pires violences électorales de l’histoire du Kenya indépendant (1963), les organisations kényanes de défense des droits de l’homme s’étaient mobilisées pour documenter les troubles et demander justice.

L’actuel président Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto avaient tous deux été inculpés par la Cour pénale internationale pour ces violences, qui avaient fait au moins 1.100 morts.

Les charges ont depuis été abandonnées, mais de nombreux observateurs kényans estiment que les deux hommes en ont nourri un vif ressentiment contre un large pan de la société civile.

Une défiance alimentée un peu plus en 2013 : ce furent alors des organisations de la société civile qui avaient porté devant la Cour suprême un recours, finalement rejeté, contre l’élection de M. Kenyatta et de son colistier M. Ruto.

Le gouvernement n’a pas rendu la vie facile à nombre de ces organisations : l’organe de régulation du secteur (NGO Board), directement dépendant du ministère de l’Intérieur, a multiplié les mesures administratives depuis 2015 (agréments révoqués, audits des comptes bancaires), interprétées par les intéressés comme des tentatives pour les réduire au silence.

Ce même organisme a tenté le 15 août de faire cesser les activités de la Commission kényane des droits de l’Homme (KHRC) et d’AfriCOG, engagée dans la transparence de la vie publique, alors que celles-ci envisageaient de saisir la justice sur l’élection présidentielle. Le ministre de l’Intérieur a finalement fait machine arrière devant le tollé suscité. (...)

Longtemps brocardée pour la corruption endémique dans ses rangs, la magistrature kényane a récemment montré des gages d’indépendance.

L’invalidation de la présidentielle par la Cour suprême en est l’illustration la plus éclatante et son écho a largement débordé le contexte kényan. Mais dès avant l’élection, des magistrats avaient donné raison à l’opposition dans plusieurs contentieux pré-électoraux.

En février, la justice avait infligé un camouflet au gouvernement en annulant sa décision de fermer le grand camp de réfugiés somaliens de Dadaab, la jugeant "discriminatoire et donc inconstitutionnelle".

La Constitution de 2010 a renforcé l’indépendance des juges en créant notamment la Cour suprême et instaurant un mécanisme de nomination de ses sept membres sur lequel le président n’a quasiment aucun moyen d’interférer.

Les contre-pouvoirs au Kenya pourraient cependant être mis à rude épreuve dans les mois à venir. M. Kenyatta, après la décision de la Cour suprême, a vilipendé la magistrature estimant qu’elle posait "un problème" qu’il fallait "régler".

Pour Dimas Mokua, la Constitution a certes doté le pays d’institutions fortes, mais beaucoup repose encore sur le "courage" des Kényans placés à leur tête.