
Mercredi 25 février, la Commission européenne a présenté sa stratégie pour une Union de l’Énergie. Laquelle prévoit entre autres des investissements importants dans l’approvisionnement en gaz. Publiée le même jour, la contribution de l’Union européenne à l’accord de Paris est peu précise et n’intègre ni finance, ni adaptation. L’Europe, leader mondial de la lutte contre le changement climatique ? Peut mieux faire...
Mais que dit cette Stratégie-cadre pour une Union de l’Énergie résistante, avec une politique de changement climatique tournée vers l’avenir ?
L’Europe premier importateur d’énergie au monde
Elle part d’un constat : l’Union européenne est « la plus grand importatrice d’énergie dans le monde ». Elle importe 53 % de son énergie, pour un coût annuel de 400 milliards d’euros. Prix élevés, installations vieillissantes, cadres législatifs nationaux différents les uns des autres... La Commission européenne estime que « cela ne peut pas continuer ainsi ».
Pour organiser tout cela, le projet d’Union de l’Énergie repose sur cinq piliers : la sécurité énergétique ; un marché énergétique européen intégré ; l’efficacité énergétique ; la décarbonisation de l’énergie ; et la recherche, l’innovation et la compétitivité. Il reprend à son compte les objectifs du paquet énergie-climat 2030, adopté en octobre dernier par les chefs d’État des Vingt-Huit : réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à 1990, amélioration de 27 % de l’efficacité énergétique d’ici 2030 et augmentation du partage des énergies renouvelables de 27 % d’ici 2030. (...)
Investissements massifs dans le secteur gazier
Mais dès les premières pages, désillusion. La Commission européenne propose d’investir massivement dans le secteur gazier, sous couvert de sécurité énergétique. L’instabilité politique en Russie, en Ukraine et en Afrique du Nord, principaux fournisseurs d’énergie de l’Europe, l’inquiète ; elle insiste sur une nécessaire « diversification des fournisseurs ». « Le travail sur le Corridor Gazier Sud doit être intensifié, pour rendre l’Asie centrale capable d’exporter son gaz en Europe, indique le document. En Europe du Nord, la mise en place de hubs de gaz liquéfié avec de multiples fournisseurs a grandement amélioré la sécurité de l’approvisionnement. Cet exemple doit être suivi en Europe centrale et en Europe de l’Est, et dans la région méditerranéenne, où un hub gazier méditerranéen est en fabrication. »
La Commission promet de « renforcer son soutien [aux projets d’infrastructures gazières] grâce à l’utilisation de tous les instruments de financement communautaires disponibles, en particulier le futur Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) ».
Une perspective qui fait bondir Célia Gautier, responsable politiques européennes au Réseau Action Climat (RAC) France : « La Commission propose le développement d’infrastructures très lourdes et très coûteuses sur le long terme, qui n’ont rien à voir avec des solutions d’urgence apportées à la crise russo-ukrainienne. »
Pour Yannick Jadot, eurodéputé écologiste, ces « incroyables » investissements gaziers sont le résultat de « quatre années de lobby extrêmement intensif des gaziers à l’échelle européenne. (...)
Énergies renouvelables et gaz de schiste au même niveau
La Commission pousse également à la production domestique d’énergie, en mettant sur le même plan énergies renouvelables et combustibles fossiles et même les ressources fossiles non-conventionnelles (...)
chacun va pouvoir revenir à ses amours : la France au nucléaire, la Pologne au charbon... » Les énergies renouvelables sont les grandes perdantes de ce processus. « Certains pays comme la France les considèrent encore comme une contrainte, et non comme une opportunité. »
Au même moment, la Commission européenne présentait son Plan pour lutter contre le changement climatique après 2020, intégrant la « contribution » européenne à l’accord de Paris.
Pour rappel, les contributions nationales doivent détailler les engagements des pays en matière de réduction des émissions de GES pour l’après-2020. Les pays développés et les gros émetteurs (Europe, États-Unis, Chine...) sont censés rendre leurs copies avant le 31 mars, pour que leurs engagements puissent être évalués à l’aune de l’objectif des 2°C.
Une contribution européenne « floue » pour Paris
Là aussi, déception. La Commission européenne reprend dans cette contribution les objectifs du paquet-climat 2030, adopté en octobre dernier par les chefs d’État des Vingt-Huit. Mais un « flou artistique » subsiste (...)
La contribution intègre l’usage des sols dans ses domaines d’action, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle. « Les forêts européennes absorbent plus de carbone qu’elles n’en rejettent. C’est en grande partie dû à un jeu comptable dans les méthodologies européennes de mesure de leurs rejets de gaz à effet de serre, indique la responsable du RAC dans son communiqué de presse. L’inclusion des forêts signifie donc que les pays ont moins besoin de transformer leur secteur énergétique, leur secteur des transports, etc., afin de les rendre plus propres. »
Pas d’adaptation, pas de finance
Pas un geste n’a été fait en direction des pays en développement. L’Appel de Lima pour une action climatique de décembre dernier invitait les États à intégrer des mesures d’adaptation dans leurs contributions. Mais ce n’est pas obligatoire, et l’Europe s’en est donc dispensée.
Rien non plus sur le financement du Fonds vert, autre point d’achoppement à Lima. (...)
Des changements sont néanmoins encore possibles. Cette contribution proposée par la Commission doit être validée par les États-membres de l’Union européenne. Elle le sera soit le 27 février par les ambassadeurs, soit le 6 mars par les ministres européens de l’Environnement, soit au plus tard les 19 et 20 mars par les chefs d’État, en cas de désaccords persistants.
« Cela constitue une occasion pour les Vingt-Huit d’améliorer la contribution européenne à l’accord de Paris », insiste Célia Gautier. Pour Yannick Jadot, c’est une nécessité (...)