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ANAFE
L’enfermement administratif aux frontières : une politique migratoire génératrice de souffrance et de violences
#frontières #politiques_migratoires #Anafé
Article mis en ligne le 27 octobre 2022

mardi 25 octobre 2022
Lettre ouverte à Madame la Première Ministre, Monsieur le ministre de l’intérieur et Mesdames et Messieurs les parlementaires

À la veille de débats dans les hémicycles et au moment de la préparation d’un nouveau projet de loi par le ministère de l’intérieur, l’Anafé entend apporter quelques éclairages au législateur sur les conséquences de la politique migratoire mise en œuvre aux frontières françaises depuis plus de 30 ans.

Depuis la fin des années 1980, les politiques migratoires européennes et françaises ont développé un véritable arsenal de textes facilitant l’enfermement des personnes étrangères à tous les stades de leur parcours migratoire. Bien trop souvent présenté comme la seule option pour lutter contre l’immigration dite « irrégulière », l’enfermement est devenu un instrument central et banalisé de gestion des populations en migration en Europe et au-delà, où l’Union européenne (UE) exporte et délègue ce modèle.

Les conséquences de cette logique sont toujours les mêmes : rejet et mise à l’écart, invisibilisation des personnes enfermées, opacité des pratiques, fichage et tri, violations des droits fondamentaux, criminalisation des personnes étrangères.

Depuis plus de trente ans, l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) ne cesse de constater et de dénoncer les violations des droits et les conditions d’enfermement indignes aux frontières.

L’Anafé constate qu’il est impossible d’enfermer les personnes dans le respect de leur dignité et de leurs droits, l’enfermement étant générateur de violences et de souffrance. De fait, le régime dérogatoire de la frontière permet à l’administration d’enfermer et de refouler, le plus souvent au mépris des procédures applicables. Ces pratiques, qui s’inscrivent dans le cadre d’une politique de stigmatisation et de criminalisation des personnes étrangères, sont source de violations récurrentes des droits fondamentaux des personnes qui sont maintenues en zone d’attente (liberté d’aller et venir, droit d’asile, droit au respect de la vie privée et familiale, droit de ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants…) .

Face à ces constats, l’Anafé a pris position en 2017 contre l’enfermement administratif des personnes étrangères aux frontières. De cette revendication est née la campagne « Fermons les zones d’attente », lancée en novembre 2021. Dans ce cadre, l’Anafé a publié une tribune dans Libération ayant rassemblé plus de 250 signataires (dont 130 personnalités et 120 organisations), appelant à mettre fin au régime des zones d’attente et à toute forme d’enfermement aux frontières.

Le cadre légal de l’enfermement aux frontières (...)

En novembre 2021, le ministère de l’intérieur recensait 98 zones d’attente dans les aéroports, les ports et certaines gares desservant des destinations internationales. (...)

La diversité des conditions d’enfermement interroge la définition de « prestations de type hôtelier » auxquelles les lieux d’enfermement sont supposés se référer (...)

Absence de séparation hommes-femmes-personnes trans (...)

Des conditions sanitaires et d’hygiène dégradées (...)

Violations des droits
Au-delà des conditions d’enfermement indignes, les zones d’attente sont des espaces marqués par l’opacité des pratiques administratives et policières. L’absence de contrôle du juge des libertés et de la détention avant le quatrième jour de maintien et l’absence d’une permanence d’avocats gratuite en zone d’attente laissent à l’administration une marge de manœuvre importante dans l’application des procédures de refus d’entrée, de maintien en zone d’attente et de renvoi. Ainsi, la plupart des personnes maintenues en zone d’attente sont renvoyées sans avoir été présentées à un juge et sans avoir eu l’assistance d’un conseil . Espace tampon entre l’extérieur et l’intérieur du territoire national, les zones d’attente sont révélatrices de la priorité donnée par les autorités au contrôle des frontières sur le respect des libertés individuelles. (...)

De plus, les conditions d’examen par l’Ofpra des demandes d’admission sur le territoire au titre de l’asile ne sont pas à la hauteur des enjeux : utilisation de la visioconférence, locaux ne garantissant pas la confidentialité des échanges, interprétariat téléphonique, etc. (...)

Difficulté ou absence d’accès aux soins (...)

Enfermement des mineurs
Accompagnés ou isolés, des centaines d’enfants sont enfermés chaque année en zone d’attente.

Hormis dans les zones d’attente de l’aéroport Roissy et de Marseille-Le Canet, les mineurs isolés enfermés en zone d’attente ne bénéficient pas d’un espace dédié et séparé des adultes. (...)

Parce qu’elles sont un sas entre l’extérieur et l’intérieur du territoire, souvent qualifiées de fiction juridique, les zones d’attente sont révélatrices du caractère aléatoire et arbitraire des politiques migratoires. (...)

Recommandations

Forte de ces constats, l’Anafé appelle à :

  • - La fin de l’enfermement administratif des personnes étrangères aux frontières françaises.
  • Tant que le régime de la zone d’attente existe, l’Anafé préconise que :
  • - L’enfermement des mineurs, isolés ou accompagnés, et des adultes qui accompagnent ces derniers, cesse immédiatement.
  • - Le contrôle du juge judiciaire sur les mesures de refus d’entrée et de placement en zone d’attente intervienne au plus tôt, et avant l’exécution de toute mesure de refoulement.
  • - Toute décision de refus d’entrée sur le territoire et toute mesure privative de liberté doit être assortie d’un droit au recours suspensif et effectif.
  • - Pour garantir le droit à un procès équitable, toutes les audiences doivent être tenues publiquement, au sein d’un tribunal et dans une salle facilement accessible. Il doit donc être mis fin à l’implantation dans les lieux d’enfermement de salles d’audience délocalisées destinées aux seules personnes étrangères.
  • - Une permanence gratuite d’avocats doit être instaurée en zone d’attente afin de garantir aux personnes étrangères qui y sont maintenues une assistance juridique effective à tout moment de la procédure.
  • - Un interprète professionnel doit intervenir à tous les stades de la procédure, y compris durant les entretiens avec l’avocat et les associations et sa prise en charge financière par l’État doit être systématique.
  • - Au nom du principe d’indivisibilité de la République et pour assurer l’égalité des droits sur l’ensemble du territoire français, il doit être mis fin au régime dérogatoire du droit des étrangers dans les Outre-mer.
  • Enfin, l’Anafé invite les parlementaires à exercer leur droit de visite en zone d’attente au titre des articles L. 343-5 du CESEDA et 719 du code de procédure pénale, afin de constater directement les conditions d’enfermement indignes et les violations des droits qui y sont perpétrées. Visiter les zones d’attente permettra aux parlementaires de prendre, en conscience, des décisions dans les prochains mois qui impacteront les personnes étrangères au moment du vote de la loi « immigration ».

30 ans après la création du régime juridique de la zone d’attente, et à rebours des projets en discussion au niveau européen et au niveau national, l’Anafé appelle le législateur à mettre fin à l’enfermement aux frontières des personnes étrangères. (...)