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le monde diplomatique
La cosmocratie, nouvelle classe planétaire
Article mis en ligne le 24 avril 2019
dernière modification le 22 avril 2019

Il se pourrait que l’image la plus précise de notre « modernité » nous renvoie à la chute de l’Empire romain. D’un côté, des armées de prolétaires désespérés, harcelés par des régiments de policiers. De l’autre, des fortunes géantes, dont les détenteurs se protégeaient dans des villas barricadées. Déjà, ces deux mondes-là ne se croisaient plus…

« Les empereurs du IVe siècle ne se demandèrent jamais à quoi servait de sauver l’Empire romain si c’était pour en faire une vaste prison pour des millions et des millions d’hommes (1). »

Comme si maîtriser autrui guérissait nos frustrations, aucun régime n’est indemne du goût d’opprimer, surtout quand rien ne s’y oppose plus. En cela, le libéralisme est-il loin des pouvoirs disparus qui tentèrent de saisir l’humanité dans leurs rêves ? Si rien n’est tenté pour amener un régime universel à composition, il se changera en tyrannie. Si rien n’est fait pour l’obliger à la civilité, il deviendra une machine à broyer, comme cela s’est toujours produit.

Une métamorphose du libéralisme en autoritarisme s’annonce depuis 1989. Un dispositif de contrainte et de hiérarchisation s’esquisse, analogue à celui d’anciens empires. Nous entrons dans un règne qui vise, comme jadis, à parachever son hégémonie par l’exaltation des fantaisies des puissants, l’abaissement des citoyens libres et l’écrasement des indigents.(...)

« Vais-je devenir un mendiant ? », « Vais-je prendre la fuite ? », « Ma fuite s’achèvera-t-elle ? », « Toucherai-je mon salaire ? » (3), demandait à l’oracle un citadin égyptien de la romanité tardive. Ces cris d’angoisse rappellent ceux qui, aux Etats-Unis, et bientôt dans une Europe « enfin débloquée », sont poussés à l’approche de la faillite personnelle. Nos nouveaux pauvres, comme jadis cette catégorie endémique que les Romains nommaient « pérégrins » — entre esclaves et hommes libres -, peuvent toujours devenir « nouveaux nomades ». Après avoir écouté le président français, M. Jacques Chirac, exhorter les jeunes à la mobilité, il suffit de regarder la France des campings cachés pour voir se former discrètement une masse de temporaires mobiles. Dans l’argot des métiers nucléaires, on appelle déjà « gitans » les travailleurs du nettoyage industriel, attachés à Manpower ou non. (...)