
"Microbe", c’est ainsi que les Ivoiriens ont baptisé les enfants-brigands qui volent, agressent et parfois tuent pour vivre à Abidjan. Ils seraient plusieurs centaines, selon l’ONG ivoirienne Indigo, qui aide une quarantaine d’entre eux à se réinsérer
Haïs autant que craints, ces jeunes criminels sont originaires des quartiers pauvres de la capitale économique ivoirienne. Le phénomène est apparu avec la crise politico-militaire de 2002-2011 à Abobo, puis s’est étendu à d’autres grands quartiers comme Yopougon et Koumassi
Symptôme de l’exaspération grandissante des populations à l’égard de ces délinquants, un chef "microbe" a été torturé, décapité et brûlé en 2015, après d’autres lynchages populaires.
Pendant près de dix ans, Vieux-Père, désormais repenti et pris en charge par une association de réinsertion, a vécu cette vie violente, écumant les rues, jouant souvent de ses poings ou du couteau. (...)
Vieux-Père assure n’avoir jamais tué personne. "Ceux d’entre nous qui ont tué sont aujourd’hui morts", dit-il, relatant avoir échappé à un lynchage après une attaque qui avait mal tourné dans le quartier d’Adjamé, plus grand marché de la ville et théâtre de nombreuses rapines.
"Les habitants m’ont capturé et m’ont frappé violemment, partout. J’ai encore des cicatrices au crâne", souligne le jeune homme en caressant de ses doigts incrustés de crasse sa petite épaisseur de cheveux.
"Voilà pourquoi je ne peux pas bien me coiffer", rigole-t-il.
Il échappe de peu à la mort. Ses soins sont alors payés par "ses gars", avec la cagnotte du gang, qui fonctionne selon des règles. "Dès qu’on volait de l’argent, on en gardait la moitié pour le groupe, en cas de coup dur, ou pour payer les cautions ou les fêtes", se souvient Vieux-Père.
– ’Reprendre une nouvelle vie’ - (...)
Grâce à la mise en place d’un programme de réinsertion sociale de l’ONG Indigo pour les enfants "microbes", le jeune homme espère aujourd’hui s’offrir un commerce de pièces détachées automobiles.
"On a tous envie de reprendre une nouvelle vie", dit-il, en se faisant le porte-parole de la quarantaine d’adolescents suivis par l’ONG.
Vieux-Père tente aujourd’hui de gagner sa vie autrement, avec un petit boulot de ferrailleur ou en travaillant à la grande casse automobile d’Abobo.
Illettré, il participe depuis un mois à des cours du soir de lecture et écriture. (...)