
Les grandes guerres impérialistes avaient débité de la gueule cassée à la tonne, la grande guerre du capitalisme dégueule ses corps brisés sans même s’en soucier.
(...) C’est sa force de travail qui a forcé mon admiration au départ. Été comme hiver, il faut vraiment un temps de chacal pour l’empêcher d’aller trimer aux vignes. C’est physique les vignes, mais bizarrement, par ici, c’est de plus en plus un boulot de femmes. Donc elle se fait cramer la couenne ou geler les orteils par tous les temps. Et vas-y que je te rabats les flèches, et que je te tire les sarments et que je te taille les grappes ! Déjà l’année dernière, elle avait été arrêtée, puis opérée. Le canal carpien. Ou plutôt on devrait dire les canaux carpiens, mais ça sonne moche. C’est qu’en plus des vignes, il y a les canards. Toujours besoin de bras, les canards. Et ça tombe bien, c’est la nuit. La nuit, elle cueille les palmipèdes dans leur sommeil pour les transferts à l’abattoir. Avant l’aube, c’est pour le gavage. (...)
Luxation à l’épaule. Tendinites à répétition aux coudes. Plus les canaux carpiens. Je m’en souviens bien de cette période (...)
Quand le coup des canaux carpiens a passé, je me suis dit qu’elle allait enfin aller mieux. Mais ça n’a pas duré. Là, c’est le dos qui l’a lâchée. Faut dire que lui aussi, il prend cher, et depuis longtemps. (...)
On lui a filé des antidouleurs, un peu de kiné. Rien n’y fait : elle se traîne comme une petite vieille et ça la rend furieuse. Je coPar Agnès Maillardmprends. Moi aussi, ça me rendrait furieuse.
Ah oui, j’oubliais : elle est plus jeune que moi. (...)
J’en connais plein des comme ça. (...)