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Quartiers Libres
Lettre d’Alessandro, prisonnier du G20, actuellement détenu à Billwerder à Hambourg.
Lettre d’Alessandro du 22/07/2017
Article mis en ligne le 5 septembre 2017

Cher(e)s compagnon(ne)s,

Aujourd’hui j’ai clôturé la dernière barre (IIII)1. Vingt journées se sont déjà écoulées depuis que j’ai été lâchement et brutalement pris par les épaules et jeté à terre par l’une des unités spéciales de la police allemande à Hambourg. Une fois arrêté, ils se sont immédiatement dressés contre les nombreuses personnes de la rue, solidaires, qui s’approchaient. Ils ont aussi fait en sorte d’empêcher la communication avec ceux qui regardaient la scène depuis leurs balcons, tandis qu’ils commençaient à me fouiller en jetant toutes mes affaires par terre, dégoûtés de n’avoir rien trouvé à part un classique k-way Quechua, qui par ailleurs était attaché à l’extérieur de mon sac à dos. Énervé, un énergumène de deux mètres en est allé jusqu’à récupérer une bouteille et un casque pour essayer de m’extorquer des aveux devant leur caméra.

C’est à partir de ce moment là qu’a commencé la valse des camionnettes, la première fouille corporelle dans un commissariat, puis le GeSa, une prison spéciale construite exprès pour le G20 et qui a coûté 5 millions. Il s’agissait d’un vieil entrepôt avec à l’intérieur des containers éclairés uniquement par la lumière artificielle des néons et à l’intérieur de ceux-ci, d’innombrables cellules préfabriquées. Une fois dedans, j’ai d’abord été dénudé totalement, ils ont même contrôlé la couture de mon slip et ils m’ont enlevé ma montre et mon pull, au nom de ma sécurité ; puis on est passé au tour du test d’alcoolémie ; à la fin ils m’ont photographié et deux policiers m’ont conduit en cellule, en me tenant à gauche et à droite et en me pliant les bras derrière le dos (modalité d’accompagnement qu’ils ont, par la suite, utilisé pour chacun de mes déplacements). Avant de m’enfermer dans la cellule, ils m’ont aussi enlevé les chaussures et les lunettes de vue, toujours au nom de ma sécurité. La cellule était sombre, insonorisée, meublée d’un banc en bois extrêmement étroit et un bouton pour les besoins.

On ne m’a pas laissé appeler un avocat avant environ quatre heure et demi du matin et je n’ai pu le voir que de nombreuses heures après mon appel. A cet endroit, différents abus et pressions psychologiques ont été exercées. Certains d’entre nous ont étés convoqués en audience par le juge sans même qu’on leur concède la présence d’un avocat. Laquelle présence s’est révélée, malgré eux, inutile même aux juges, dans la mesure où leur unique intérêt était de savoir si on avouait ou non notre délit.

Après de nombreuses heures au GeSa, ils ont commencé les transferts vers la prison. Premier arrêt : Billwerder. J’y suis resté deux/trois heures avant d’être remballé et transporté vers une autre prison, une prison pour mineurs fermée et ré-ouverte seulement pour une dizaine d’entre nous. Cellules individuelles, une heure de promenade et de « socialisation »2 par jour, les vingt-trois heures restantes enfermés dedans (pour nous concéder davantage, le « chef » devait d’abord s’assurer qu’on le méritait). Ils nous ont finalement permis d’appeler l’avocat au bout de quatre jours et après de continuelles demandes.

Ayant commencé à libérer des compagnons allemands, au bout de six jour ils nous ont tous ramenés à Billwerder (...)

chacun à notre tour, nous avons assisté à la comédie mise en scène pour les demandes de mise en liberté. De jeunes juges, hommes et femmes, avec l’ambition de faire carrière sur notre dos étaient chargés de nous juger. Ils nous ont confirmé les uns après les autres (les internationaux) notre maintien en détention. La tête baissée, pour ne pas croiser nos regards, ils lisaient les verdicts déjà écrits en parfait accord avec le procureur. Dans mon cas en particulier, on n’a même pas pris la peine de me lire les motifs pour lesquels on me refusait le recours, dans la mesure où mon cas était identique au précédent. Et dire qu’en temps »normal », au délit pour lequel nous sommes poursuivi le plus fréquemment, à savoir le jet d’une ou de plusieurs bouteilles, correspond une sanction financière. Mais, certains que nous aurions relevé le défi d’un sommet organisé de façon provocatrice à Hambourg (après que la ville ait refusé par référendum l’accueil des Jeux Olympiques), à proximité de quartiers toujours plus résistants et irrépressibles (St Pauli, Altona et Sternschanze), les autorités allemandes ont pris soin d’alourdir les peines. (...)

Avoir participé au G20 de Hambourg est une expérience dont nous porteront la marque pendant longtemps. Pas tellement par rapport à la détention, qui n’a en aucune façon ébranlé nos idéaux, mais plutôt pour la joie d’avoir ruiné la fête des puissants de ce monde, qui derrière les remparts du « développement » et de la démocratie continuent à tuer et à emprisonner tout ceux qui s’opposent à leurs politiques, continuent à décider du sort de la vie de nos frères et de nos sœurs migrants. (...)

Complices et solidaires avec les autres camarades détenus dans les prisons du monde entier, proches de ceux qui sacrifient leur vie tous les jours, motivés par les mêmes idéaux. (...)