
Un accord international pour le climat est a priori une affaire complexe, politiquement, économiquement, scientifiquement, stratégiquement. Pourtant cela revient finalement à une seule question, celle de l’égoïsme versus l’altruisme. Si l’on n’a aucune considération pour les générations à venir, on se fiche de ce qui va se passer dans dix ans. Après moi le déluge…
Or pour la première fois, le sort des générations futures est entre nos mains. Il y a 10 000 ans, il y avait 5 millions d’humains, aujourd’hui non seulement il y en a 7 milliards, mais la puissance de leurs outils a été décuplée. Notre impact sur la planète est devenu déterminant. Ce n’est pas un point de vue de Bisounours. Nous sommes entrés dans l’anthropocène et nous sommes un peu dépassés par notre pouvoir sur l’environnement.
Pourquoi est-il si difficile pour l’homme de reconnaître ses responsabilités ?
C’est simple : comme le phénomène est global, il y a une dilution de la responsabilité. Au réveil le matin, je ne me dis pas que je saccage la planète, je n’en ai ni l’intention ni la sensation. (...)
Le futur ne fait pas mal, ou du moins pas encore. Enfin, nous sommes attrapés par l’actualité, qu’il s’agisse d’événements tragiques ou de querelles de clocher comme les élections régionales.
Ces résultats politiques ne vous paraissent pas importants ?
Ils comptent pour les Français, mais au regard de l’histoire cela représente une vaguelette dans un tsunami. Prenons l’immigration censée favoriser le score du Front national. Aujourd’hui, si on recevait 3 millions de migrants en Europe, cela correspondrait à 0,2 % de la population. Quand il y aura 250 millions de réfugiés climatiques qui fuiront pour survivre, une bonne partie arrivera ici. Quand 40 millions de Bengalis, dont beaucoup sont des musulmans, vont se rendre en Inde, un pays hindou, vous imaginez les conflits, les souffrances que cela va créer.
Si l’on néglige les causes qui vont, entre autres dévastations, pousser ces gens sur les routes, il y a vraiment de quoi s’inquiéter. (...)
Avez-vous noté des impasses au cours de cette COP ?
On y a très peu parlé de l’océan, qui nous apporte pourtant de l’oxygène. Cependant l’élevage industriel est le grand absent à mes yeux. Il est la deuxième cause d’émission de gaz à effet de serre. Il est mauvais du point de vue éthique, puisqu’on tue plus de 60 milliards d’animaux terrestres et marins par an, néfaste pour la santé, source de pauvreté aussi : des millions de tonnes de céréales servent à nourrir le bétail, plutôt que des humains. Et pourtant je n’ai entendu personne dire que l’on va le réduire drastiquement dans le monde. (...)
Voyez-vous des transformations au Népal ?
La désertification gagne des collines entières. Il y a toutes ces sources qui se tarissent et ces villages qui du coup sont abandonnés. Les paysans locaux, qui n’ont jamais entendu parler du changement climatique, disent avec tristesse que l’Himalaya devient noir faute de neige. L’an dernier j’ai vu des papillons devant mon ermitage au Népal en décembre, à 2 000 m d’altitude. (...)