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Pauvreté : « Les gens n’ont plus de pièces à donner » … Les SDF face à la dématérialisation des paiements
#SDF #dematerialisation
Article mis en ligne le 11 mars 2023
dernière modification le 10 mars 2023

La casquette retournée par terre reste aussi désespérément vide que le regard est abattu. Une journée de vache maigre de plus s’annonce pour Alain, sans-emploi ni abri depuis vingt-cinq ans. Bien sûr, dehors, la situation n’a jamais été idyllique, « mais plus le temps passe, plus ça empire. »

Les sommes récoltées se réduisent jour après jour, et les donateurs se font de plus en plus rares. « Il n’y a plus de bonnes journées. Avant, quelqu’un un peu généreux vous sortait un ticket restau ou 10 euros, et paf, ça vous faisait sourire pour quelques heures, et vous pouviez acheter de chouettes choses avec. Quelques heures à être presque heureux, c’est précieux vous savez ». Mais ce temps-là semble révolu. Ce qui mine le plus le quinquagénaire dans la piètre récolte de ce matin, c’est qu’elle n’a rien ni d’inhabituelle ni d’une journée particulièrement noire. « C’est juste la routine désormais, les gens donnent beaucoup moins qu’il y a dix ou vingt ans. »

Pour Alain, ce n’est pas que les passants ne veulent plus, « c’est qu’ils ne peuvent plus. Ils paient tout en carte bleue, n’ont plus de pièces à donner… Même les tickets-restaurants se dématérialisent. » Selon les données de la Banque de France, billets et espèces ne représentent plus qu’un quart des paiements physiques (...)

« Pour eux, il n’y a pas de solution » (...)

« L’argent liquide disparaît, et avec lui, les dons des gens dans la rue, confirme Christelle, sans domicile fixe depuis dix ans. En 2030, les gens n’auront plus une pièce, redoute-t-elle. On va vers la dématérialisation totale de l’argent, et comment on fera nous ? »

Julien Damon, sociologue spécialiste de la pauvreté et auteur de La question SDF, critique d’une action publique (Le lien social, 2012), constate lui aussi la dangereuse évolution de la société pour les sans-abri : « Tout se dématérialise, que ce soit l’argent ou le travail. (...)

Certaines associations ou organismes ont trouvé la parade en multipliant les lecteurs de carte bancaires ou les paiements en ligne. « Même dans certaines églises, il est désormais possible de faire la quête en carte bleue », poursuit le sociologue. « Mais pour les sans-abri, cela n’est évidemment pas faisable. Pour eux, il n’y a pas de solution ».

Les impensés de la numérisation (...)

« Les sans-abri sont les impensés et les exclus de la numérisation extrême de notre société ».

Cette disparition d’argent liquide s’accompagne d’une sorte de « déculpabilisation » du passant. (...)

L’achat, entre paternalisme et manque d’efficacité

Ceux qui n’ont pas de pièce sur eux mais qui veulent quand même aider optent souvent pour des achats, mais cette voie peine à convaincre du côté des sans-abri. Premier grief, « Je sais que beaucoup ne comprennent pas, mais c’est du paternalisme et souvent un peu du mépris ’’Je vais t’acheter ça pour que tu ne fasses pas de bêtises avec l’argent que je donne’’ » (...)

avec la dématérialisation de l’argent, et donc la perte d’autonomie sur les dons reçus, « on se tape tous les béni-oui-oui qui pensent savoir mieux que nous ce qu’il nous faut » (...)