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le monde diplomatique
Prison hors les murs, la réponse oubliée
Article mis en ligne le 8 novembre 2014
dernière modification le 4 novembre 2014

Depuis quinze ans, le placement extérieur permet à des condamnés en fin de peine de vivre et de travailler en dehors de la prison. Toujours considérés comme des détenus, ils préparent leur retour à la liberté. Moins coûteuse, plus adaptée à la réinsertion dans la société et plus humaine, cette solution de rechange à l’incarcération reste pourtant très marginale en France.

« On sort de tôle et voilà qu’ils nous jettent dehors dans le froid à pas d’heure ! » Rachid râle pour le principe (1). Car il préfère encore se retrouver ici qu’en prison. Il est 8 heures du matin. Cette nuit, le mercure est descendu en dessous de 0 °C dans la petite commune de Saint-Hilaire, à quelques kilomètres de Grenoble. Armés de pelles et de râteaux, Karim et les autres captifs du foyer Solid’Action déneigent les abords d’une crèche. En s’attaquant au verglas, ils se confrontent de nouveau aux exigences du monde du travail. Quelques mois plus tôt, ils vivaient derrière les barreaux. Aujourd’hui, ces cabossés de la vie bénéficient d’un « placement à l’extérieur ». Cette solution alternative à l’enfermement permet aux détenus de terminer leur peine en milieu ouvert. Encadrés par des associations, prisonniers de longue date ou petits délinquants sortant d’un court passage en détention prennent le chemin de la réinsertion ou, pour certains, celui de l’insertion.

La loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines adoptée par le Parlement le 17 juillet dernier met en avant un tel dispositif dans le cadre de la « libération sous contrainte aux deux tiers de la peine ». Mais comment être sûr que, malgré une valorisation dans les textes, il ne restera pas oublié en pratique ou négligé au profit du bracelet électronique ? Existant depuis 1970, le placement extérieur est reconnu en matière d’insertion depuis une quinzaine d’années. Il ne concerne pourtant qu’un petit nombre de détenus. L’an dernier, seulement six cent soixante-quatre personnes étaient prises en charge par des associations (2). La part de cette mesure dans les aménagements de peine n’a cessé de chuter durant la décennie écoulée, passant de 11 % en 2005 à moins de 5 % en 2013 (3).

L’administration française souffre d’un manque de données statistiques (4). Certes, le bracelet électronique bénéficie de l’éclairage de quelques études. En revanche, l’absence d’enquête qualitative sur le placement extérieur rend l’appréciation de son efficacité très subjective. Opter pour un tel dispositif relève aussi d’un choix éthique et philosophique. « Il faut repenser la punition pour qu’elle permette de réintégrer le condamné dans la communauté », estime Pierre-Victor Tournier, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). (...)

Contrairement aux idées reçues, le placement extérieur coûte moins cher qu’une place en prison. L’administration pénitentiaire reverse entre 20 et 40 euros par jour et par personne à l’association prenant en charge les détenus, tandis qu’une incarcération lui revient environ à 95 euros. Le nombre important de surveillants dans le milieu carcéral explique en grande partie la différence. Mais, si l’administration fait des économies, c’est aussi parce qu’elle ne couvre pas l’ensemble des frais engagés par les associations Alors que la prison enferme le détenu dans son passé, le placement extérieur permet de préparer l’avenir. « Sans Solid’Action, je serais encore en prison. J’aurais refait des conneries pour me nourrir, pour me loger », raconte Jérémy, qui a purgé sa peine. A 27 ans, sa situation financière reste fragile, il sait qu’à tout moment il pourrait retourner dans la rue. « Ce qui me stresse, ce sont les dettes. Je dois encore dédommager les parties civiles pendant six ans. » Alors, pour éviter de nouveau de tout perdre, il revient régulièrement travailler et vivre dans la grande bâtisse de l’association. Tout comme les repas, les chambres sont collectives. Jérémy n’y trouve pas toujours l’intimité dont il rêverait, mais il sait pouvoir compter sur cette structure en cas de coup dur.

Parmi les aménagements de peine existants, le placement extérieur propose l’encadrement le plus complet. En dépit de cette qualité, il est le moins utilisé. (...)

Pour l’administration pénitentiaire, la surveillance électronique présente deux avantages majeurs : elle coûte encore moins cher (10 euros par jour et par personne) et se montre plus simple à mettre en place. Pourtant, elle est inadaptée dans nombre de situations (7). Le recours à un bracelet électronique implique un retour au domicile, qui ne s’avère pas toujours possible. (...)