
Amélie Morineau, avocate et présidente de l’Association pour la défense des droits des détenus, dresse le bilan des mesures d’aménagement de peine. (...)
Comment qualifiez-vous la baisse du nombre de personnes incarcérées à l’occasion de la crise sanitaire ?
La baisse du nombre de détenus sur la période est très satisfaisante. Mais, elle a été provoquée par des impératifs sanitaires et rien d’autre. Les juges de l’application des peines, les services d’exécution des peines des parquets et les services pénitentiaires d’insertion et de probation ont travaillé ensemble dès le début du confinement pour faire sortir des condamnés en fin de peine, sans attendre les dispositifs mis en place par le gouvernement avec les ordonnances du 25 mars.
La bonne nouvelle, qui mérite d’être soulignée, est que cela s’est fait sans que le monde s’effondre. Sans observer de hausse spectaculaire de la délinquance ni avoir des informations du ministère de la justice sur des cas de récidive de personnes fraîchement libérées.
Quelle leçon peut-on tirer de cet épisode ?
Cela démontre que l’aménagement de peine n’est pas un risque pour l’institution mais, au contraire, une garantie contre la récidive. En revanche, derrière l’affichage d’un taux d’occupation des prisons inférieur à 100 % des capacités, se cache une réalité très disparate. Avec des maisons d’arrêt qui restent structurellement suroccupées.
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les vieilles habitudes sont revenues. Les juges ont pourtant montré qu’ils savaient faire.
Mais les conditions de détention sont aujourd’hui bien meilleures…
Il faudrait se dire une bonne fois pour toutes que les conditions de détention ne se réduisent pas à une question de statistiques. Il ne suffit pas de constater un taux d’occupation passé sous la barre des 100 % pour affirmer que les conditions dans lesquelles les personnes sont incarcérées respectent leur droit à la dignité. On peut très bien être seul dans sa cellule, mais se retrouver sans activité, sans accompagnement et dans un lieu insalubre. Le traitement inhumain ou dégradant ne se limite pas aux situations où trois personnes se partagent une cellule de 9 m2, même si c’est évidemment un critère. L’absence de travail – ou son niveau de rémunération –, le manque de moyens des services de réinsertion, l’état des sanitaires, l’éloignement de certains établissements par rapport aux moyens de transports décourageant la visite des familles, tout cela participe des conditions de détention. Penser qu’une fois que des nouvelles prisons auront été construites le problème sera résolu est une grave erreur.
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