
A la cour d’assises spécialement composée de Paris,
« Il s’agit d’images terribles. Je mets en garde les personnes sur les conséquences que ça peut avoir », a débuté Laurent Raviot, le président de la cour, ce jeudi midi. Quelques secondes plus tard débute la projection des vidéos de la course folle du camion-bélier conduit par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.
Pendant une vingtaine de minutes, les yeux rivés sur les écrans géants, la salle d’audience se replonge dans l’horreur du 14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais. Sur les bancs des parties civiles, bien plus remplis que d’habitude, la plupart des victimes et de leurs familles ont été rejointes par leurs avocats.
Hurlement de douleur
Dès les premiers instants, les images sont d’une extrême violence. Une vidéo amateur filme un concert de jazz. Les musiciens terminent leur morceau, sous les applaudissements. D’un coup, la foule s’agite et des cris résonnent. Dans leur dos, le camion vient de percuter une partie des spectateurs. Debout sur la scène, les musiciens assistent, impuissants, à l’horreur. Ils hurlent, se prennent la tête à deux mains.
Dans la salle d’audience, l’une des victimes pousse un cri d’effroi. Elle quitte les lieux, accompagnée par l’un des sept psychologues et des pompiers volontaires présents. La porte se ferme. On entend, à travers, un hurlement de douleur.
Une seconde vidéo amateur s’enchaîne rapidement. Elle est prise depuis un hôtel, sur le trottoir opposé. Le camion est stoppé sur la promenade des Anglais. Des balles sont tirées en rafale, pendant de longues secondes. Les gens courent, hurlent et se réfugient dans l’un des hôtels de la rue.
Quatre minutes d’images « terrifiantes »
Puis viennent les images terrifiantes issues la vidéosurveillance de la ville de Nice. (...)
A chaque image d’horreur, le silence est rompu par des sanglots, des cris étouffés, des respirations soudaines. Certains baissent la tête, cachent leur visage dans leurs mains ou détournent le regard. Pour d’autres, les images sont tout simplement insoutenables. Quelques minutes après le début de la diffusion, une seconde femme pousse un cri, éclate en sanglots et sort, accompagnée par l’un de ses proches.
« Nécessaire à la compréhension de l’horreur »
Dans la salle d’audience, une trentaine de gendarmes déambulent dans les allées, scrutent. Ils vérifient que personne n’enregistre. « Tous les téléphones doivent être rangés, les ordinateurs portables fermés, y compris ceux des journalistes », avait averti le président. Si ces vidéos ont été réclamées par des avocats de victimes et de familles de victimes, car jugées « nécessaires pour la compréhension de l’horreur de l’attentat », elles ne sortiront pas d’ici. Conservées en un seul exemplaire, elles seront replacées sous scellés.
Après une vingtaine de minutes, les lumières se rallument, dévoilant les yeux rougis de la quasi-totalité de l’assistance. « L’audience est suspendue », déclare simplement Laurent Raviot, le président de la cour, dans un silence absolu. Et d’ajouter : « Il n’y aura pas d’autre diffusion ».
J’espère qu’aucune victime ne s’est sentie « obligée » de regarder si elle ne le voulait pas vraiment. Le sentiment de culpabilité, d’illégitimité, le besoin de faire partie du groupe, peuvent conduire à cela. https://t.co/MH2MYMI5rj
— Thierry Baubet (@TBaubet) September 15, 2022