
Sultan Al Jaber est à la fois ministre, envoyé spécial à l’ONU pour le climat et PDG d’une compagnie pétrolière. Une triple casquette qui soulève de nombreuses critiques, alors qu’Abu Dhabi présente son poulain comme un réformateur pragmatique.
La nouvelle de sa probable nomination comme président de la 28ème conférence des Nations unies (COP28) sur le climat, qui se tiendra en novembre à Dubaï (Émirats arabes unis), a fait le tour du monde. Pompier pyromane, ultra-pollueur, lobbyiste infiltré…. Les noms d’oiseau fusent contre Sultan Al aber, l’actuel ministre émirati de l’Industrie, qui est aussi PDG de la compagnie nationale pétrolière Abu Dhabi national oil company (ADNOC).
Déjà chef de la colossale délégation émiratie à la récente COP27, Al Jaber est en passe de devenir le facilitateur de la COP28. C’est le Conseil mondial des communications stratégiques (GSCC), un réseau de professionnels du climat, qui a révélé l’information début janvier, sans que celle-ci soit confirmée officiellement par Abu Dhabi.
De prime abord, la nomination d’un pétrolier à ce poste a de quoi surprendre. Pas aux Emirats, où Al Jaber était pressenti de longue date comme le prochain chef du grand orchestre des négociations climatiques. En quelques années, cet investisseur est devenu une figure incontournable des délégations émiraties à la COP. Mais qu’il soit feint ou sincère, l’engagement d’Al Jaber pour le climat est jugé insuffisant par de nombreux observateurs, et sa potentielle nomination fait déjà polémique. Au grand dam d’Abu Dhabi, qui voit sa vaste stratégie de communication autour de la COP28 s’enliser.
Le poulain d’Abu Dhabi
En vertu du système de rotation qui régit l’organisation des COP, c’est au tour du Moyen-Orient d’accueillir le sommet en 2023, après l’Afrique (la COP27 était en Égypte) et l’Europe (COP26 au Royaume-Uni). Un rôle que les Émirats n’ont eu aucun mal à décrocher grâce à leurs vastes moyens financiers et aux infrastructures déjà en place, deux ans après l’Exposition universelle de Dubaï. (...)
Pour le septième producteur mondial de pétrole, c’est l’occasion rêvée de redorer son blason climatique en montrant les efforts faits dans le domaine des énergies « vertes ». (...)
Al Jaber s’est fait connaitre en 2006 en fondant Masdar, un groupe d’investissement dans les énergies renouvelables. Celui-ci, dont l’ADNOC est actionnaire, est étroitement lié à l’État. Tout comme Al Jaber, aujourd’hui ministre de l’industrie après avoir occupé diverses fonctions au sein du gouvernement. Un pied dans l’industrie pétrolière, l’autre dans le renouvelable, Al Jaber incarne parfaitement la stratégie climatique d’Abu Dhabi, qui investit massivement dans les énergies renouvelables à travers le monde tout en continuant d’exploiter son brut, qui fournit plus de la moitié des revenus du pays. (...)
Al Jaber s’est fait connaitre en 2006 en fondant Masdar, un groupe d’investissement dans les énergies renouvelables. Celui-ci, dont l’ADNOC est actionnaire, est étroitement lié à l’État. Tout comme Al Jaber, aujourd’hui ministre de l’industrie après avoir occupé diverses fonctions au sein du gouvernement. Un pied dans l’industrie pétrolière, l’autre dans le renouvelable, Al Jaber incarne parfaitement la stratégie climatique d’Abu Dhabi, qui investit massivement dans les énergies renouvelables à travers le monde tout en continuant d’exploiter son brut, qui fournit plus de la moitié des revenus du pays. (...)
Un candidat déjà décrié
Depuis qu’elle a décroché l’organisation de la COP28, Abu Dhabi a investi des millions de dollars dans des cabinets de conseil pour promouvoir du contenu positif sur son action climatique dans les médias étrangers. L’un de ces cabinets, Akin Gump Strauss Hauer & Feld, a reçu près de trois millions de dollars en 2022 pour faire la promotion la COP28 auprès de personnalités politiques états-uniennes.
Une stratégie de communication dans laquelle Al Jaber s’intègre parfaitement. Car les agences chargées de la communication de l’événement veulent faire passer un certain nombre d’idées dans le débat public : la transition écologique prendra du temps et ne se fera pas sans les acteurs du gaz et du pétrole (...)
Mais malgré son profil « réformateur » pour les Émirats, Al Jaber reste un produit de l’industrie pétrolière, dont les études prestigieuses aux États-Unis ont été directement financées par l’ADNOC. Et sa potentielle nomination soulève de vives critiques. (...)