
Nous, républicains – car, malgré les dérives de droite et néolibérales de l’idée républicaine, nous ne pouvons qu’être républicains –, sommes fatigués. Fatigués du dévoiement de cette idée, « réduite à un universalisme de façade et à une laïcité entièrement falsifiée, [et qui] n’est plus utilisée que pour dissimuler la réalité des fractures et tenter de combler le déficit croissant de légitimité auquel se heurte une république sociale qui laisse proliférer l’inégalité et précarise les existences ».
Partant de ce triste constat, Jean-Fabien Spitz, professeur émérite de philosophie politique à l’université Paris-I, n’hésite pas, à juste titre, à qualifier de véritable « intégrisme politique », devenu même un « mantra du discours politique en France », ce républicanisme de pure forme, contraire même à l’idée républicaine et transformé en alibi chargé de défendre in fine notre ordre social profondément inégalitaire. Et l’auteur d’affirmer sans détour que cet « intégrisme républicain » n’est aujourd’hui que le « faux nez du libéralisme autoritaire ».
Ce sont les questions que pose Jean-Fabien Spitz, dans un essai qui dénonce les dérives et l’instrumentalisation des valeurs de la République trop souvent mises en avant ces dernières années dans le débat public hexagonal. Une instrumentalisation qui va de pair avec celle d’une laïcité dévoyée elle aussi (...)
Lire aussi :
Le philosophe Jean-Fabien Spitz publie dans la collection NRF de Gallimard La République ? Quelles valeurs ?, une stimulante réflexion sur le républicanisme, dans laquelle il tente de déblayer le terrain pour sortir de ce qu’il nomme « l’intégrisme républicain ». Son postulat : le néolibéralisme triomphant, loin de militer pour un État faible et neutre, instrumentaliserait ce dernier pour s’imposer et utiliserait en France l’idée de République pour proposer de fausses réponses symboliques aux problèmes sociaux contemporains. (...)
La République serait devenue un moyen pour la droite de faire taire les revendications pour plus d’égalité de certaines minorités, tout en servant de paravent au capitalisme agressif actuel. L’universalisme « abstrait » de l’égalité des droits devant la loi serait ainsi le corollaire de l’idéologie de marché, dont elle justifierait les dérives. La laïcité, suivant les analyses de Jean Baubérot, viserait à masquer les discriminations et restreindre les libertés individuelles tout en étant l’allié du système économique actuel. Contre cette vision, Jean-Fabien Spitz propose une théorie de la République qui en ferait la garante de l’indépendance réciproque des citoyens et de leur non-domination. (...)
– Qu’est-ce qu’être républicain ?
Les idéaux fondateurs du républicanisme ont été trahis, soutient J.-F. Spitz, par ceux-là mêmes qui prétendent le défendre contre le libéralisme. À trop se focaliser sur les questions d’identité, on a oublié que la république était d’abord un principe de justice sociale. (...)
Jean-Fabien Spitz, La République ? Quelles valeurs ? Essai sur un nouvel intégrisme politique, éditions Gallimard, 368 p., 22 €.