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Revaloriser, réformer : les principales conclusions des États généraux de la justice
Article mis en ligne le 8 juillet 2022

Le rapport du comité des Etats généraux de la justice doit être remis à Emmanuel Macron ce vendredi. Il dresse un constat accablant de l’institution judiciaire "en état de délabrement avancé" et envisage plusieurs pistes pour la réformer.

Un chantier brûlant et colossal. Lancés par l’Elysée en octobre 2021, avant le mouvement inédit des magistrats, les États généraux de la justice se sont achevés fin avril. Après six mois de consultations et des semaines d’attentes, le rapport du comité piloté par Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du conseil d’État, doit être rendu ce vendredi au président. Il est censé devenir la feuille de route du second quinquennat d’Emmanuel Macron.

Selon la chancellerie, plus de 50 000 personnes, dont 12 000 magistrats et agents, ont participé à ses travaux. Le comité, composé de 12 personnes (magistrats, politiques, avocats, hauts fonctionnaires, etc.) prône une "augmentation des moyens", "condition du redressement". Il dépeint une justice arrivée à "un point de rupture". A l’automne dernier, "la tribune des 3 000" magistrats publiée dans Le Monde dénonçait déjà une institution à bout de souffle. Magistrats, avocats ou encore greffiers avaient d’ailleurs manifesté partout en France pour réclamer d’une même voix des "moyens dignes". (...)

"Cette crise de la justice n’est pas un phénomène nouveau" précise d’emblée le rapport. Avant d’ajouter : "Les États généraux de la justice ont confirmé l’état de délabrement avancé dans lequel l’institution judiciaire se trouve aujourd’hui. La justice ne parvient plus à exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes". Le rapport du comité envisage donc plusieurs pistes pour réformer l’institution judiciaire.

Pour sortir de cette impasse, tant humaine que matérielle, le rapport fait des propositions chiffrées, avançant le besoin d’un recrutement massif pour pallier au manque de moyens humains . D’abord, les magistrats : "En l’état, le comité estime qu’il y a lieu de recruter au moins 1 500 magistrats supplémentaires (en plus du remplacement des départs à la retraite) au cours des cinq prochaines années" . Des juristes, dont il faudrait "le recrutement massif de juristes assistants contractuels. Leur nombre ne devrait pas être inférieur à 2 000." Des greffiers et des agents également. "Des greffiers de 2 500 à 3 000 personnes, dont certaines participeront aussi à l’aide à la décision" et "un appui administratif et technique (notamment pour le déploiement, la bonne utilisation et la maintenance des outils numériques) d’au moins 2 000 agents"

Sans oublier, pour la justice civile comme la justice pénale, les conditions matérielles dans lesquelles la justice est rendue , qui "ne sont plus acceptables ". "Les outils et les infrastructures informatiques sont insuffisants ou obsolètes" et "les décisions de justice, qu’il s’agisse des juridictions pénales ou de celles des mineurs, sont exécutées avec retard" .

"Revaloriser" la justice civile

Le comité fait un constat : débordée, la justice civile est trop lente et "ne parvient plus à trancher les litiges dans des conditions décentes". La crise sanitaire a empiré la situation. Les délais des jugements ne cessent d’augmenter (...)

Le rapport préconise de rétablir la collégialité pour les juges civilistes. Autrement dit, qu’ils ne soient plus seuls mais trois à trancher sur une affaire, en concertation. Le comité constate que "la collégialité a été souvent remise en cause au profit de la généralisation du juge unique afin de gagner en temps et en efficacité, l’exercice collégial étant perçu comme un handicap à ce titre". (...)

Réformer la justice pénale

En matière pénale, le comité propose de réécrire le code de procédure pénale. Selon lui, ce code "est excessivement complexe, illisible et doit être refondu". Il propose également "le maintien du juge d’instruction", "au regard de son apport estimé décisif dans les affaires les plus complexes", qui "engagent l’autorité et la réputation de la justice". Autre proposition : généraliser le statut de témoin assisté et la limitation de la mise en examen "au seul cas où le prononcé de mesures coercitives serait envisagé".

Limiter le recours à la prison pour lutter contre la surpopulation carcérale

Face aux prisons surpeuplées, le comité estime qu’une "réponse fondée uniquement sur la détention par l’enchaînement de programmes de construction d’établissements pénitentiaires ne peut constituer une réponse adéquate". ll recommande plutôt de mettre en place un système de régulation du nombre de détenus, avec "un seuil d’alerte et un seuil de criticité pour chaque établissement pénitentiaire".

Le rapport réaffirme un principe : "La peine ne doit pas se limiter à une sanction, par privation de liberté, d’un comportement délictuel ou criminel mais doit également, en garantissant un suivi individualisé et pluridisciplinaire, favoriser la réinsertion de l’auteur et réduire les risques de récidive". Il préconise donc de limiter le plus possible les courtes peines de prison qui ne permettent pas "d’agir sur un comportement". La prise en charge en milieu ouvert doit être privilégiée avec des capacités d’accueil renforcées. Il est également question de développer les aménagements de peines avec un passage dès la condamnation devant le juge d’application des peines. Le comité recommande ainsi de déployer des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation dans les tribunaux, dont le travail est justement de prévenir la récidive.

Supprimer la Cour de Justice de la République (...)

L’idée étant que "les ministres soient responsables pénalement devant les juridictions de droit commun pour les crimes et délits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, au même titre que les autres responsables publics.

Davantage d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique ? (...)

Un constat et après ?

Les conclusions du comité Sauvé sur l’état de l’institution ne sont pas une surprise pour les instances représentatives du milieu judiciaire. (...)

Les magistrats attendent surtout une prise de conscience politique. "Que retiendra de ce rapport un gouvernement qui n’a jusqu’à présent pas pris la mesure de la situation ? (...)

Les magistrats attendent surtout une prise de conscience politique. "Que retiendra de ce rapport un gouvernement qui n’a jusqu’à présent pas pris la mesure de la situation ? (...)

"Il ne faut plus de réformes rustines", "quelle justice voulons-nous ? Une justice d’abattage avec une politique du chiffre ? Ou une justice qui écoute vraiment le justiciable ? ", martèle Manon Lefebvre, substitut du procureur à Boulogne sur mer et Clara Lanoes, juge au pôle sociale d’Arras. Ces deux magistrates, membres du collectif à l’origine de la "Tribune des 3000", espèrent des mesures fortes alors que le gouvernement devrait s’inspirer de ce rapport pour sa futur loi de programmation de la justice.