
C’est un dossier que les juges antiterroristes n’ont pas osé ouvrir. Comme ils ont écarté la plupart des vérifications qui pouvaient embarrasser les policiers dans l’affaire de Tarnac. En mars 2008, un agent de France Télécom avait découvert et débranché un dis- positif d’écoutes des lignes téléphoniques de l’épicerie du village, reprise quelques mois plus tôt par les militants.
Ces « branchements » avaient été repérés peu avant l’ouverture d’une enquête préliminaire sur le groupe de Tarnac, mais surtout plus de huit mois avant les sabotages des lignes TGV. Aucune écoute légale ? administrative ou judiciaire ? n’était en cours à l’époque. Une équipe parallèle était, semble-t-il, déjà au travail pour incriminer les militants.
Après avoir signalé, en vain, les faits aux juges antiterroristes, Benjamin Rosoux, le militant devenu épicier à Tarnac, a donc dé- posé plainte, le 5 février à Brive-la-Gaillarde, pour « interception de correspondances » et « atteinte à l’intimité de la vie privée ». Cette fois, le parquet a ouvert une enquête, confiée au SRPJ de Limoges. Des premières auditions ont été effectuées fin avril.
Les témoins et les éléments matériels ne manquent pas pour re- monter cette piste. Fin mars 2008, les gérants de l’épicerie s’aper- çoivent d’une panne de leur terminal de carte bleue. Ils se tournent vers leur banque et l’agence France Télécom (FT) d’Ussel. Après avoir réalisé plusieurs essais, c’est le technicien envoyé par l’opé- rateur qui trouve un dispositif d’écoutes dans le central télépho- nique du village. Le signal du terminal CB était perturbé par la « dérivation ». L’agent prévient son chef d’équipe qui l’autorise à retirer le dispositif : un boîtier en plastique connecté à l’arrivée de la ligne par des fils jaunes et bleus.
Le paiement en carte bleue est rétabli à l’épicerie, mais les pro- blèmes commencent pour les agents de FT. Le technicien et son chef d’équipe sont convoqués à Bordeaux. Et le directeur régio- nal, lui-même, doit monter s’expliquer à Paris. Une procédure dis- ciplinaire est engagée contre le technicien, non pas pour avoir dé- branché l’écoute, mais pour l’avoir fait devant l’un des gérants de l’épicerie, entré avec lui dans le local technique. Il écope d’une mise à pied assortie de quinze jours de suspension. La procédure disciplinaire multiplie par trois ou quatre le nombre de témoins aujourd’hui. Puisque les faits ont aussi été débattus devant la com- mission régionale de discipline, où le technicien était défendu par un délégué du personnel de la CFDT.(...)
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