Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
le Monde
Trop d’atteintes aux droits dans les lieux d’enfermement
Article mis en ligne le 1er mars 2013

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu public, lundi 25 février, son cinquième et copieux rapport annuel, avec un zeste de fatalisme : "Il y a certes, depuis le changement de gouvernement, une écoute et des orientations des pouvoirs publics qui vont dans le bon sens, indique Jean-Marie Delarue. Mais neuf mois plus tard, la surpopulation carcérale est toujours la même, les plaintes que nous recevons toujours les mêmes. Nous sommes dans l’expectative. J’ai hâte que les droits fondamentaux de chacun soient traduits par des actes."

Il estime que les recommandations de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive remises le 20 février au premier ministre en sont l’occasion, d’autant "qu’il y a des situations inacceptables qu’on peut régler sans trop de difficultés" et à peu de frais. "Il faut écarter la tenaille laxisme contre sécurité, dissiper cette illusion, montrer l’inanité de ce débat, insiste le contrôleur. La prison est vide de sens, a dit Christiane Taubira, et elle a raison."

Jean-Marie Delarue rappelle quelques principes, qui n’évoluent guère. Les prisons modernes, d’abord, "multiplient les mises à distance" entre le détenu et son gardien, "alors que la privation de liberté nécessite le face-à-face", tant pour les détenus que pour les personnels. Les établissements neufs sont désormais équipés de 250 caméras, sans que l’on ait réfléchi "à ce que cela induisait pour les personnes".

Les lieux de privation de liberté, ensuite, sont des lieux de classement, de ségrégation, et pourtant il y a une uniformité et un nivellement par le bas des pratiques. (...)

La discipline aussi est un obstacle au droit. Elle est appliquée sans aucun texte : c’est le cas dans les centres de rétention pour étrangers, mais aussi dans les centres éducatifs fermés (CEF) pour les mineurs ou dans des services psychiatriques. Elle permet d’imposer des sanctions qui ne sont codifiées nulle part : "Cela fait hurler les syndicats, mais tout le monde sait que ça existe, explique Jean-Marie Delarue. Pour emmerder un détenu qui vous emmerde, on rallume la lumière à chaque ronde, ou on dépose deux grammes de shit dans sa cellule pour le mettre au mitard. Comment les personnes privées de liberté peuvent-elles alors faire confiance aux sanctions légales ?" (...)

Le rapport recense minutieusement les atteintes aux droits, ce sans-papiers qui a refusé d’embarquer dans l’avion, qui s’est fait sous lui et qu’on lave au jet – la même scène se répète deux jours plus tard. Cette femme qui a préféré ne pas assister à l’enterrement de son fils plutôt que d’y paraître menottée et entravée. Et les menaces ou les représailles pour les détenus qui ont osé saisir le contrôleur. Jean-Marie Delarue souhaiterait durcir les sanctions pour les personnels qui s’y risquent, mais "il n’y a pas de réponse ferme du gouvernement".