
(...) Ce qui se passe dans certaines universités qui ont toujours été à la pointe peut constituer un indicateur. À Istanbul, l’empathie pour le mouvement kurde se manifeste depuis 2010-2011 surtout, soit depuis l’époque où toute illusion sur la sincérité des avancées d’Erdogan en matière de démocratie s’est envolée. C’est l’époque d’une nouvelle chasse aux sorcières, d’une vague répressive impitoyable contre les journalistes et intellectuels démocrates, en particulier ceux et celles qui soutenaient la cause kurde – c’est-à-dire la cause de la démocratie.
(...) Il y a aussi une sorte d’osmose entre les divers mouvements sociaux – ceux, en particulier qui se sont exprimés à Gezi – , qui s’était concrétisée à la manifestation d’Ankara du 10 octobre 2015, où s’est produit l’attentat meurtrier que l’on sait (au moins 102 morts) où la plupart des victimes sont des ouvriers, des syndicalistes, des enseignants, des étudiants. Il a fallu malheureusement un événement comme l’attentat d’Ankara pour révéler cette osmose au yeux du public. Qu’en est-il du reste de la population ? L’opinion turque est travaillée par l’éducation et les médias. Concernant l’éducation, c’est un discours qui maintient les Turcs dans une fiction selon laquelle la population du pays est constituée uniquement de Turcs et que ceux qui ne se reconnaissent pas turcs sont des traîtres. Il n’y a pas si longtemps, l’État recrutait des chercheurs pour « prouver scientifiquement » que les Kurdes sont en réalité un ensemble de tribus turques.
Quant aux médias mainstream, ils applaudissent à la violence d’État perpétrée à l’Est. (...)