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Mediapart
Une première journée d’audience délicate pour Julian Assange
Article mis en ligne le 8 septembre 2020

La Cour centrale criminelle de Londres, qui doit décider de l’extradition du fondateur de WikiLeaks aux États-Unis, a refusé d’écarter les nouveaux éléments déposés il y a quelques semaines par la justice américaine ainsi qu’un report des audiences.

La défense de Julian Assange a connu une journée mouvementée, lundi 7 septembre, lors de la reprise des audiences en vue de l’extradition du fondateur de WikiLeaks vers les États-Unis.

La juge Vanessa Baraitser a en effet rejeté deux demandes visant à contrecarrer les nouvelles accusations présentées il y a seulement quelques semaines par la justice américaine. (...)

Comme l’a rappelé au début de l’audience Mark Summers, un des avocats de Julian Assange, ce nouvel acte d’accusation n’a été envoyé qu’à la fin du mois de juillet à la justice britannique et une nouvelle demande d’extradition n’a été déposée qu’à la mi-août. Soit, « dix-huit mois après le début de cette affaire et quelques semaines avant cette audience », a-t-il pointé. « C’est une curiosité », a poursuivi l’avocat. « On a du mal à comprendre » pourquoi ces « comportements criminels » n’ont été découverts que récemment.

Pour l’avocat, répondre aux nouveaux éléments dans un délai aussi court était « une tâche impossible ». (...)

l’avocat a expliqué que, finalement, la défense souhaitait déposer une demande de report des audiences jusqu’au mois de janvier 2021. « Nous ne sommes tout simplement pas en mesure de rassembler les preuves », a-t-il plaidé. Julian Assange n’aurait toujours pas reçu certains documents et ses avocats doivent exercer « avec très peu d’accès à notre client », a poursuivi Mark Summers. « Nous n’avions pas eu l’occasion de discuter avec lui », a-t-il avancé pour expliquer ce revirement.

Le représentant du ministère public John Lewis s’est de son côté immédiatement opposé à cette demande, soulignant que la procédure avait déjà débuté, la cour ayant même déjà rendu une décision le matin même. Il a reproché à la défense de « demander un report après avoir perdu une demande ».

Après une pause d’une vingtaine de minutes, la juge Baraitser a rejeté tout report. (...)

Le reste de l’audience devait être consacrée au témoignage, en visioconférence, de Mark Feldstein, ancien journaliste et professeur à l’université George Washington. Mais celui-ci, perturbé par des problèmes techniques, n’a duré que quelques minutes. Mark Feldstein a juste eu le temps de défendre le statut de journaliste de Julian Assange et son droit à la protection du premier amendement de la Constitution américaine protégeant la liberté d’expression. (...)

Toutes les demandes de la défense n’ont cependant pas été refusées. Vanessa Baraister a en effet finalement accepté que la défense produise des témoins, à condition que leur audition dure moins de trente minutes. Les déclarations que ceux-ci ont déjà fournies à la cour seront en outre rendues publiques (...)

Il s’agissait de la première fois depuis février dernier que Julian Assange, dont l’état de santé inquiète depuis de nombreux mois, apparaissait en public. Il s’est présenté vêtu d’un costume et d’une cravate, amaigri mais visiblement assez en forme pour se tenir debout et comprendre les questions de la juge. Le rédacteur en chef de WikiLeaks n’est quasiment pas intervenu durant l’audience, se contentant, en début d’audience, de confirmer son identité et de répondre « Non » lorsque la juge lui a demandé s’il acceptait la demande d’extradition américaine. (...)

Lire aussi :

 Le procès stalinien de Julian Assange
Intervention de John Pilger devant le tribunal le 7 septembre, alors que l’audience d’extradition [d’enlèvement - NDT] de l’éditeur de WikiLeaks entrait dans sa phase finale.

Lorsque j’ai rencontré Julian Assange pour la première fois il y a plus de dix ans, je lui ai demandé pourquoi il avait créé WikiLeaks. Il m’a répondu : "La transparence et la responsabilité sont des questions morales qui doivent être l’essence de la vie publique et du journalisme".

Je n’avais jamais entendu un éditeur ou un rédacteur en chef invoquer la moralité de cette manière. Assange croit que les journalistes sont les agents du peuple, et non du pouvoir : que nous, le peuple, avons le droit de connaître les secrets les plus sombres de ceux qui prétendent agir en notre nom.

Si les puissants nous mentent, nous avons le droit de savoir. S’ils disent une chose en privé et le contraire en public, nous avons le droit de savoir. S’ils conspirent contre nous, comme Bush et Blair l’ont fait au sujet de l’Irak, puis prétendent être des démocrates, nous avons le droit de savoir.

C’est cette morale de la finalité qui menace tant la collusion des puissances qui veulent plonger une grande partie du monde dans la guerre et veulent enterrer Julian vivant dans l’Amérique fasciste de Trump. (...)

(...) La juge Vanessa Baraitser tente d’empêcher la lecture devant la cour des dépositions des témoins de la défense en argumentant qu’elle les avait déjà lues - ce qui aurait empêché le public et les journalistes présents de les entendre. Elle accorde finalement 30mn à chaque témoin.

Amnesty International : "Ce n’est pas normal. @amnesty est presque toujours autorisée à suivre les affaires judiciaires dans le monde entier. Notre observateur a découvert ce matin qu’il n’avait même pas accès à la transmission vidéo du procès #Assange, ce qui est scandaleux".

"Si les États-Unis s’en sortent en arrachant Assange au Royaume-Uni pour qu’il passe le reste de sa vie en prison en Virginie, pour qu’il y meure, alors tous nos droits sont compromis. C’est un précédent choquant".
Bob Carr, ancien ministre australien des affaires étrangères

Kristinn Hrafnsson rédacteur en chef de WikiLeaks dit qu’il n’a pas été autorisé à assister au procès et qu’il n’a pu qu’observer les journalistes, en regardant un moniteur vidéo. "J’appelle cela une abomination absolue. [...] En ce qui me concerne, c’est un procès à huis clos."

"Une fois de plus, la technologie au tribunal s’effondre. La vidéo s’interrompt alors que le témoin américain commence à s’exprimer. Ignorant qu’on peut encore l’entendre, il dit "merde", résumant ainsi la pensée de chacun."

John Rees

 « Julian Assange est victime d’une torture institutionnelle », assure son avocat
Il est le seul avocat français de Julian Assange. Me Antoine Vey représente les intérêts du fondateur de WikiLeaks au côté de confrères britanniques, américains, belges ou encore espagnols, dont l’ancien et célèbre juge Baltasar Garzon. Une « équipe de défense » tendue vers un seul objectif : éviter au journaliste australien de 49 ans, détenu au Royaume-Uni, d’être extradé aux Etats-Unis où il encourt 175 ans de prison pour espionnage. (...)

« L’acte d’accusation est une mascarade manifeste. Julian Assange conteste bien sûr les faits, mais la seule accusation, qui lui fait encourir cette peine, est la source « légale » d’un acharnement institutionnel sans précédent », estime Me Antoine Vey en dénonçant des conditions de détention indignes et les tortures psychologiques constatées par des experts, médecins et observateurs qui ont pu rencontrer Julian Assange à la prison de haute sécurité de Belmarsh.

Alors que les audiences de la procédure d’extradition doivent reprendre ce lundi à Londres, l’avocat français revient sur le sort de cet homme – lanceur d’alerte pour les uns, traître pour les autres – qui au final mobilise peu, en raison notamment de la complexité de ce dossier. Une « indifférence » que Me Vey espère inverser, d’autant qu’au-delà du cas de son client, l’enjeu de cette affaire est, selon lui, l’existence même de l’Etat de droit. (...)