
Un document communiqué par la NSA prouve que l’agence de renseignements américains travaille avec l’entreprise française VUPEN Security, à la réputation sulfureuse. Celle-ci s’est fait une spécialité de vendre à quelques clients à travers le monde les failles de sécurité qu’elle découvre, avant que les correctifs soient publiés.
Au début de l’été, au moment où éclatait l’affaire du programme PRISM et des autres programmes de surveillance de la NSA dénoncés par Edward Snowden, l’agence de presse Bloomberg avait révélé que les agences de renseignement américaines avaient connaissance de failles de sécurité avant les utilisateurs des logiciels concernés. Officiellement, il s’agissait de leur permettre de sécuriser en priorité leurs systèmes d’information, avant que le public ait une connaissance précise des exploits. Mais officieusement, l’agence de presse suspectait la NSA de tirer profit de sa connaissance précoce des failles pour les exploiter avant la diffusion des correctifs.
Parmi les collaborateurs de la NSA figure une société française basée à Montpellier, VUPEN Security, qui s’est justement faite une spécialité de découvrir les failles de sécurité dans les logiciels les plus répandus, et de développer des "exploits" pour ses clients. Un document officiel obtenu par le site MuckRock prouve la collaboration active entre la société française et l’agence de sécurité américaine.
Il s’agit en effet d’un contrat signé le 14 septembre 2012 par la National Security Agency (NSA) et par Chaouki Bekrar, hackeur et président-fondateur de VUPEN. Le bon de commande mentionne explicitement la souscription par la NSA d’un abonnement d’un an au service "VUPEN Binary Analysis & Exploits", qui "fournit une analyse en profondeur des binaires des vulnérabilités publiques les plus significatives basée sur le désassemblage, le reverse engineering, l’analyse de protocole et l’audit de code". Chaque mois, la société fournit à ses clients des méthodes d’exploitation de 15 à 20 failles de sécurité inédites, détaillées dans des rapports.
Ce mardi matin, Numerama a contacté Chaouki Bekrar pour savoir "dans quelle mesure les services de Vupen ont permis à la NSA de connaître l’existence de failles de sécurité, et des méthodes pour les exploiter, avant le grand public et/ou les entreprises". La réponse est libre d’interprétation. "L’intégralité des travaux de recherche et développement réalisés par VUPEN sont mis à la disposition de ses clients gouvernementaux afin de leur permettre de protéger pro-activement leurs systèmes et infrastructures contres des attaques sophistiquées et, dans certains cas, protéger leur nations", nous indique M. Bekrar.
Jusqu’où peut aller la "protection de la nation" ? Nous n’en saurons pas plus (...)
Vupen et les autres sociétés de sécurité offensive se sont fait beaucoup d’ennemis. Aux Etats-Unis, les hackeurs libertaires, les associations de défense des libertés, les sociétés de sécurité classiques et les grands services Internet comme Google mènent contre elles des campagnes d’opinion très actives, en les assimilant à des trafiquants d’armes. Ils se disent persuadés qu’en réalité les systèmes de sécurité offensive finissent toujours, par des voies détournées, entre les mains des gouvernements autoritaires, qui en font un usage intensif. (...)