
Après cinq jours de maintien dans la zone d’attente d’Orly, Aida*, une jeune fille de 11 ans, en a été libérée mercredi 23 octobre. Partie du Sénégal où elle est née, elle devait rejoindre son père et ses frères et sœurs, de nationalité française, en France. Son histoire met à nouveau en lumière les conditions de rétention de mineurs en France, "traumatisantes" selon les associations et avocats engagés sur ces questions.
La jeune fille, née au Sénégal en 2012, était inscrite sur le registre des Français établis à l’étranger hors de France depuis 2014, et détentrice d’un passeport depuis janvier 2020. Elle devait rejoindre son père à son domicile de Montreuil (Seine-Saint-Denis) où résident déjà ses sœurs, tous de nationalité française.
Mais à son arrivée à l’aéroport, rien ne se passe comme prévu : son passeport lui est retiré. La jeune fille se voit refuser l’entrée sur le territoire français. Elle est immédiatement retenue en zone d’attente : ces locaux, situés aux frontières françaises (ports, aéroports, gares internationales) sont dédiés aux étrangers ne remplissant pas les conditions d’entrée en France.
Le placement en zone d’attente a rendu la jeune fille "très angoissée", déplore Samy Djemaoun, son avocat. "Elle commençait à avoir des boutons sur le visage. Même pour un adulte, la zone d’attente, c’est inhumain. Alors pour un enfant..."
Tous les matins, Aida devait quitter l’hôtel où dorment les étrangers dans son cas, pour rejoindre à 6 heures du matin la zone d’attente. Elle devait y rester jusqu’à 21 heures le soir. "L’espace "enfants" de la zone d’attente, c’est trois mètres carré, séparée de la zone adultes par un simple paravent. Elle ne pouvait pas sortir dans la cour, car c’est réservé aux adultes", dénonce Samy Djemaoun. Les repas ? "Chips, eau, compote". Pendant près de cinq jours, la jeune fille est ainsi "restée toute seule, accompagnée seulement par une nounou mandatée par la compagnie aérienne", décrit-il encore.
Procédure irrégulière : "soit tout le monde est Français, soit personne ne l’est !"
Pourquoi ce retrait de passeport et cette rétention ? "Elle a été placée en zone d’attente parce qu’on lui a retiré son passeport au motif qu’il y a eu un refus de certificat de nationalité", explique Me Samy Djemaoun.
En effet, en juin 2020, l’administration lui a refusé la délivrance d’un certificat de nationalité, "au motif que son grand-père paternel, qui avait eu la nationalité française et par qui se fait la filiation, n’avait pas placé sa résidence en France", explique Me Samy Djemaoun. "Sauf que le père de ma cliente, ainsi que ses frères et sœurs, sont sans aucune remise en question de leur nationalité. Ils ont toujours un certificat de nationalité. Dans une même fratrie, soit tout le monde est Français, soit personne ne l’est !"
Dans son ordonnance du 23 octobre qui libère Aida* de la zone d’attente, le juge des référés du tribunal de Melun indique que la demande de restitution du passeport de la jeune fille, suite logique du refus de délivrer un certificat de nationalité, date d’il y a trois ans et "n’a pas été régulièrement notifiée" à la famille. Ce qui empêche un droit au recours. La procédure, irrégulière, n’était donc "pas opposable lors de son arrivée en France le 19 octobre".
Depuis le début de l’été, "on a rarement suivi autant de mineurs en zones d’attente’ (...)
Depuis janvier, les placements en CRA d’enfants interdits... Sauf à Mayotte
La loi immigration entrée en vigueur le 26 janvier 2024 met fin à l’enfermement des mineurs accompagnés de leurs familles dans les centres de rétention. "L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention", indique désormais noir sur blanc le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
En revanche, cette interdiction n’est toujours pas entrée en vigueur à Mayotte où, selon les chiffres de la Cimade, près de 3 000 enfants sont enfermés chaque année. (...)
La Cour européenne des droits de l’homme avait condamné 11 fois la France pour l’enfermement d’enfants en centre de rétention administrative (CRA). Sa dernière condamnation remonte à mai 2023 (...)
Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies exige la fin de tous les modes de rétention des mineurs
Malgré cette nouvelle ligne de conduite pour les CRA et les locaux de rétention administrative (LRA), la pratique continue de plus belle pour les zones d’attente. "La France s’obstine à priver de liberté des enfants en zone d’attente. Et chaque année, des centaines d’enfants sont enfermés aux frontières françaises, en violation des conventions internationales", souligne l’Anafé dans un communiqué de septembre. (...)