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Mediapart
COP28 : la dystopique Dubaï à l’heure du greenwashing
#greenwashing #COP28 #Dubaï
Article mis en ligne le 29 novembre 2023
dernière modification le 27 novembre 2023

L’annonceL’annonce, l’an dernier, de la tenue de la 28e Conférence internationale pour le climat (COP28) à Dubaï, dans l’un des pays les plus pollueurs du monde, avait fait l’effet d’une mauvaise blague. L’événement, qui va se tenir du 30 novembre au 12 décembre, sera donc assez ironiquement présidé par le sultan Ahmed al-Jaber, également dirigeant de la plus grande compagnie pétrolière et gazière des Émirats arabes unis (EAU).

Pour la ville-État qu’est Dubaï, c’est une consécration.

Après avoir construit l’image d’une capitale mondiale du divertissement − celle des pistes de ski en plein désert, des kilomètres de plages artificielles et de Dubaïland, parc de parcs à thème −, le nouvel axe du marketing urbain de Dubaï est, depuis une quinzaine d’années, le « développement durable » et « l’excellence environnementale ». (...)

Lors de l’Exposition universelle qui s’est tenue à Dubaï en 2021, la cité avait déjà bâti toute sa communication sur le « virage vert » d’un État où la ressource en pétrole est sur le point de s’épuiser. L’économie de Dubaï repose d’ailleurs déjà essentiellement sur le tourisme et l’immobilier.

Le pays, qui s’est doté d’un ministère du futur, a promis d’investir 160 milliards de dollars pour devenir « la ville la plus durable du monde en 2050 ».

Une gageure pour une mégapole assises sur les hydrocarbures, dont les habitants ont parmi la plus grosse empreinte carbone au monde (20 tonnes de CO2/an, contre par exemple 13 tonnes pour les États-Unis) et consomment quatre fois plus d’eau que la moyenne mondiale. (...)
Le site de l’Exposition universelle qui va accueillir la COP avait déjà vanté, à travers le pavillon Terra, toutes les avancées technologiques de l’émirat en matière de développement durable : ses « arbres photovoltaïques », ses techniques de pointe pour « l’irrigation et le recyclage des eaux grises », etc.

Une communication en revanche discrète sur les coûts carbone de construction de ce projet comme sur les finalités en matière de spéculation immobilière pour l’émirat. (...)

La ville-État, paradis de la spéculation immobilière, parie ainsi sur la succession d’événements internationaux pour « pérenniser le temporaire ». Le fait que la COP28 se déroule sur l’ancien site de l’Exposition universelle est le point d’orgue de cette politique.

« On voit que l’enjeu est de gérer l’entre-deux-événements. Il faut maintenir les gens sur place de manière ordinaire et le tout sur fond de transition écologique », décrypte Roman Stadnicki. (...)

Les clips que les publicitaires font circuler ne sont pas toujours validés par les architectes et les maîtres d’œuvre, ils ne sont pas toujours réalisables, mais l’important est de vendre du rêve urbain. À Dubaï, le marketing urbain est un pan important de l’économie.

La ville-État a basé son modèle sur la transformation de la manne des hydrocarbures en promotion immobilière à forte valeur ajoutée. (...)

Dubaï est aujourd’hui une collection de « cities » collées les unes aux autres et qui se développent en gagnant toujours plus sur les terres désertiques, grâce à la désalinisation massive de l’eau de mer, aux conséquences écologiques désastreuses. (...)

Si l’émir a le dernier mot sur le développement urbain de Dubaï, ce sont des groupes privés qui font la ville en construisant ces quartiers fermés dont ils assurent souvent la gestion.

Des communautés fermées « écolos »

De plus en plus préoccupés par l’environnement, ou en tout cas par le leur, les expatriés et les nationaux applaudissent la nouvelle communication verte de Dubaï, tant leur mode de vie est devenu aux yeux du monde le symbole de la démesure climaticide du capitalisme.

Le nouveau produit à la mode des promoteurs immobiliers de Dubaï est donc l’« écoquartier » où 4×4 et autres SUV n’ont pas droit de cité. (...)

Sustainable City est un quartier ultrasécurisé où il n’est pas question de croiser les travailleurs immigrés asiatiques qui construisent Dubaï, encore souvent parqués dans des quartiers sinistrés ou des « camps d’hébergement » assez peu « verts ».

Des quartiers que ne visiteront sans doute pas les participants de la COP28. À Dubaï, ville-État parmi les plus inégalitaires au monde, on ne voit que ce que l’on veut bien voir, y compris des cités-mirages.